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LA COSMOLOGIE DE PLATON


Soleil ; mais elles sont douées d’une puissance antagoniste qui les tire vers lui (τὴν δ’ ἐναντίαν εἰληχότας αὐτῷ δύναμιν) ; en sorte que le Soleil et l’Étoile du matin d’une part, le Soleil et Mercure d’autre part, se dépassent et se laissent dépasser alternativement. »

Cette supposition que le Soleil relient en son voisinage, par une sorte d’attraction, les deux planètes de Vénus et de Mercure n’a cessé de trouver faveur, dans l’Antiquité, auprès de divers auteurs grecs ou latins[1].


IX
L’ASTRONOMIE DE PLATON (suite)
L’ALLÉGORIE DU FUSEAU DE LA NÉCESSITÉ

La théorie astronomique beaucoup trop simple que Timée expose ne saurait expliquer la marche si remarquable de Vénus et de Mercure ; il est bien d’autres phénomènes que le mouvement des planètes laisse aisément observer et dont cette théorie est incapable de rendre compte.

Les sept sphères qui portent les astres errants tournent d’un mouvement uniforme autour d’un même axe, normal à l’écliptique. Le Soleil, la Lune et les cinq planètes doivent donc tous décrire l’écliptique si chacun de ces astres est fixé en l’équateur de sa sphère ; si l’un des astres errants est fixé hors de l’équateur de sa sphère, du moins doit-il décrire un petit cercle parallèle à l’écliptique. Si, avec les astronomes, on nomme latitude d’un astre sa distance angulaire à l’écliptique, chacun des astres errants doit avoir une latitude toujours nulle ou une latitude de valeur invariable.

  1. Chalcidii Commentarius in Timœum Platonis, CVIII (Fragmenta philosophorum græcorum, Edidit Fr. Mullachius. Parisiis, Firmin-Didot, 1867 ; vol. II. p. 206),

    Th.-H. Martin donne du passage en question une très étrange interprétation ; il veut en conclure que Platon fait marcher Vénus et Mercure avec la même vitesse que le Soleil, mais en sens contraire, c’est-à-dire d’Orient en Occident ; cela est contraire non seulement à tout le contexte du Timée, mais encore, comme nous le verrons, à ce qui est exposé dans la République et dans l’Épimonide. [Th.-H. Martin, Mémoire sur les Hypothèses astronomiques chez les Grecs et les Romains. Hypothèse astronomique de Platon (Mémoires de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, t. XXX, première partie, pp. 35-39, 1881)] On trouvera une discussion des diverses interprétations qui ont été proposées pour ce passage dans : Sir Thomas Heath, Aristarchus of Samos, pp. 165-169.