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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

Ce double rôle n’avait pas seulement valu à l’astre de Vénus deux noms distincts ; pendant très longtemps, au temps d’Homère en particulier, on regardait l’étoile du soir et l’étoile du matin comme réellement distinctes l’une de l’autre ; Apollodore, au second livre de son traité Περὶ θεῶν[1], attribue à Pythagore l’identification de ces deux étoiles.

Il est bien vrai que La vitesse avec laquelle Vénus décrit l’écliptique est égale en moyenne à celle avec laquelle le point qui figure le Soleil parcourt cette même ligne ; mais l’égalité des moyens mouvements n’empêche pas que des écarts ne se produisent de part et d’autre de cette moyenne : tantôt Vénus marche vers l’Orient plus vite que le Soleil, et tantôt moins vite. Dans le temps où sa marche sur l’écliptique est plus rapide que celle du Soleil, on voit Vénus, située d’abord à l’Occident de cet astre, se rapprocher de lui, l’atteindre, le dépasser et s’en écarter vers l’Orient jusqu’à une distance de 47° ; mais alors, la marche de Vénus devient moins rapide que celle du Soleil : le Soleil, à son tour, se rapproche de la planète, l’atteint, la dépasse jusqu’à la délaisser à une distance de 47° vers l’Occident ; la marche de Vénus sur l’écliptique semble ainsi se composer d’une marche identique à celle du Soleil, combinée avec une oscillation qui écarte la planète tantôt de 47° à l’Orient du Soleil et tantôt de 47° vers l’Occident.

Mercure offre à l’observateur des apparences toutes semblables ; seulement son écart par rapport au Soleil ne dépasse jamais 29° soit vers l’Orient soit vers l’Occident.

Ces phénomènes étaient, avant le temps de Platon, bien connus des astronomes, au moins d’une manière qualitative : ils avaient fait donner à Vénus et à Mercure le nom de satellites (δορυφοροῦντες, comites) du Soleil.

Or ces phénomènes ne sauraient s’expliquer à l’aide des hypothèses astronomiques trop simples que Timée à décrites ; pour en rendre compte, l’interlocuteur de Socrate imagine qu’une force dirigée vers le Soleil tende à ramener les deux planètes vers cet astre lorsqu’elles s’en écartent au delà d’une certaine limite ; c’est du moins, semble-t-il, le sens qu’il convient d’attribuer au passage suivant[2] :

« L’Étoile du matin et la sainte étoile de Mercure parcourent leur cercle en marchant avec la même vitesse moyenne que le

  1. Cité par Stobée (Stobæï Eclogœ physicœ cap, XXIV ; éd. Meineke, p. 142).
  2. Platon, Timée, 38 ; éd. cit., pp. 209-210.