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LA COSMOLOGIE DE PLATON


de la trajectoire du Soleil, au contraire, ne sont pas partout également serrées ; c’est au voisinage de l’équateur que l’écart entre deux spires consécutives est le plus grand ; cet écart diminue au fur et à mesure que les spires s’écartent de l’équateur ; au voisinage de chacun des deux tropiques, la distance d’une spire à la suivante est extrêmement petite. D’un jour à l’autre, la hauteur qu’a le Soleil au-dessus de l’horizon à l’instant du midi vrai augmente rapidement à l’époque de l’équinoxe de printemps, et diminue rapidement à l’époque de l’équinoxe d’automne ; d’un jour à l’autre, au contraire, cette hauteur varie très peu aux époques voisines des deux solstices.

Chacune des sphères planétaires est animée, selon l’enseignement que Platon met dans la bouche de Timée, de deux mouvements uniformes de rotation, le mouvement diurne, et une rotation d’Occident en Orient autour de l’axe de l’écliptique ; par là, un point d’une telle sphère décrit la spirale que nous venons de définir. Ce mouvement en spirale ne représente pas encore la totalité du mouvement qui anime chacun des astres errants ; aussi bien que les étoiles fixes, les astres errants tournent sur eux-mêmes d’un mouvement uniforme[1].

Les divers mouvements attribués par Platon à chacune des planètes suffisaient-ils à rendre compte de la marche de ces astres dans le Ciel, telle que les astronomes antérieurs à Platon l’avaient observée ? Assurément non, et Platon le savait. Considérons, par exemple, la planète Vénus. Platon la met en une sphère qui tourne autour de l’axe de l’écliptique avec la même vitesse angulaire que la sphère du Soleil ; elle devrait donc demeurer, par rapport au Soleil, dans une position invariable ; elle devrait, sur l’écliptique, le précéder ou le suivre toujours du même nombre de degrés. Or, ce n’est pas ce qui a lieu. Tantôt Vénus se trouve, sur l’écliptique, éloignée du Soleil d’un certain nombre de degrés vers l’Orient ; elle est alors, en leur commune marche sur l’écliptique, en avarice sur le Soleil ; tantôt, au contraire, elle est écartée du Soleil d’un certain nombre de degrés vers l’Occident ; elle est en retard sur le Soleil. Dans le premier cas, le mouvement diurne a déjà fait disparaître le Soleil au-dessous de l’horizon que Vénus brille encore, elle est l’étoile du soir, Ἑσπέρα, Vesper ; dans le second cas, elle se lève avant le Soleil, elle est l’étoile du matin, l’étoile qui amène l’aurore, Ἑωσφόρος, qui porte la lumière, Φωσφόρος, Lucifer.

  1. Platon, Timée, 40 ; éd. cit., p. 211.