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LA COSMOLOGIE DE PLATON


belles et les meilleures… Ces cinq corps sont le feu, puis l’eau, en troisième lieu l’air, en quatrième lieu la terre, en cinquième lieu, enfin, l’éther (αἰθήρ). Dans le domaine de chacun de ces corps, se produisent des êtres animés nombreux et variés : chaque domaine a ses êtres particuliers ». C’est ainsi, par exemple, qu’il existe des êtres vivants sur la terre, tels que les plantes, les animaux et l’homme ; ceux-là sont formés surtout de terre. Dans le domaine du feu, il faut admettre également l’existence d’êtres animés qui sont les astres, et « qui tombent sous le sens de la vue. Les êtres animés de ce genre sont, pour la plus grande partie, formés de feu, mais ils renferment en outre de petites parties de terre, d’air et de tous les autres éléments. C’est pourquoi ces êtres vivants sont différents les uns des autres et tombent sous le sens de la vue. Nous devons penser que les corps célestes sont des êtres animés de ce genre ».

« Après le feu, nous placerons l’éther[1], et nous admettrons que de cet éther, l’Âme du Monde forme des êtres animés qui tirent de cet éther la plus grande partie de leur substance, mais qui, ainsi qu’il arrive dans les autres genres d’êtres vivants, contiennent une petite portion des autres espèces d’éléments, à cause du lien que ceux-ci ont entre eux.

» Après l’éther, l’Âme du Monde compose avec l’air un autre genre d’êtres animés ; elle en compose un troisième avec l’eau… » Les êtres vivants formés par l’éther et par l’air sont les uns et les autres entièrement transparents, en sorte que nous ne les voyons pas, bien qu’ils soient près de nous. » Ceux qui sont tirés de la substance de l’eau tantôt tombent sous la vue et tantôt lui échappent.

En cette progression de cinq substances qui va de la terre au feu, la terre et le feu possèdent des propriétés entièrement opposées.

« Nous admettrons tout d’abord[2], comme nous l’avons dit, qu’il existe deux sortes d’êtres vivants qui tombent les uns et les autres sous le sens de la vue ; les êtres animés du premier genre sont formés en entier de feu (τὸ μὲν ἐϰ πυρὸς ὅλον)[3] : les êtres du second genre sont formés de terre. Or ce qui est terrestre se meut sans ordre fixe (ἐν ἀταξίᾳ), tandis que les êtres formés de feu sont mus en un ordre immuable (ἐν τάξει). »

  1. Platon, Épinomide, 984-983 ; éd. cit., p. 510.
  2. Platon, Épinomide, 982 ; éd. cit., p. 508.
  3. Platon oublie sans doute ce qu’il a dit quelques lignes plus haut ; car il mettait en ces êtres de petites portions de terre et des autres éléments.