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LA COSMOLOGIE DE PLATON

et il en serait de même à l’infini. Il est nécessaire, par conséquent, que toutes choses se trouvent dans le lieu, mais que le lien ne soit en rien. Les êtres sont disposés les uns par rapport aux autres connue le sont les choses bornées par rapport à celles qui les bornent ; le lieu propre au Monde universel, c’est le terme même de l’ensemble des êtres ; ὁ γὰρ τῶ παντὸς ϰόσμω τόπος πέρας ἁπάντων τῶν ὄντων ἐστίν ».

De ces textes d’Archytas et des commentaires développés par Simplicius, il résulte que le Pythagoricien de Tarente admettait la réalité d’un lieu absolu, d’un lieu dont l’existence ne fût pas subordonnée à celle des corps. Mais ce lieu n’était nullement, pour lui, l’espace des géomètres ni le vide des Atomistes. Il lui attribuait une limite que ne saurait admettre ni l’espace pur ni le vide. En outre, il le regardait comme capable d’agir sur les corps logés en lui. Par là, le τόπος d’Archytas n’était pas sans analogie avec la χώρα de Platon. Plus exactement peut-on dire que la χώρα platonicienne apparaît comme une notion composite qui tient, d’un côté, de l’espace pur des géomètres et du ϰένον atomistique, et qui, d’autre part, emprunte certains caractères au τόπος d’Archytas.


V
La cinquième essence selon lÉpinomide

La terre, l’eau, l’air, le feu étant composés de petits cubes, de petits icosaèdres, de petits octaèdres, de petits tétraèdres, Platon s’applique à montrer comment ces formes géométriques expliquent toutes les propriétés, toutes les actions de ces éléments. Nous ne suivrons pas le développement de cette Physique qui nous entraînerait fort loin de notre objet[1]. Nous en prendrons seulement occasion d’une remarque.

Ce que Timée vient de nous enseigner touchant l’essence spécifique des éléments met, pour ainsi dire, en évidence la forme sous laquelle Platon conçoit la Physique.

Les choses que nous voyons et que nous touchons, qui sont sujettes à la génération, au changement, à la destruction, sont choses réelles ; mais elles ne sont que les images d’autres réalités.

  1. Le lecteur désireux de connaître cette Physique et la Physiologie qui en découle pourra lire avec fruit les notes contenues en l’ouvrage suivant : Th.-Henri Martin, Études sur le Timée de Platon, 2 vol., Paris ; 1841.