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LA COSMOLOGIE DE PLATON


cusation ou catégories (ϰατηγορίαι) les notions simples que nous formons et formulons au sujet de toute chose. C’est à limitation d’Archytas qu’Aristote, à son tour, a mis, à l’entrée de sa Logique, un traité Des dix catégories.

Cette circonstance, d’ailleurs, n’est pas la seule où le Stagirite se soit laissé guider par l’exemple du Pythagoricien de Tarente. Celui-ci avait encore composé[1] un traité Sur les notions qui s’opposent l’une à l’autre (Περὶ ἀντιϰειμένων). Ce traité a inspiré les chapitres intitulés Περὶ ἀντιϰειμένων qu’Aristote a mis à la suite de ses Catégories et que certaines éditions nomment Postprædicamenta.

Après avoir énuméré dix catégories, Aristote n’étudie en détail que quatre d’entre elles ; il se borne à dire quelques mots des six autres qui sont :

τὸ ποιεῖν (agere, l’action),
τὸ πάσχειν (pati, la passion),
τὸ ϰεῖσθαι (poni, la position).
τὸ ποτέ (quando, quand ?),
τὸ ποῦ (ubi, où ?),
τὸ ἔχειν (habere, habitus, l’habitude, l’état).

Ces six catégories, ces six principes comme on dira au Moyen-Âge, sont, au Commentaire de Simplicius, les objets d’un long développement[2] ; lorsqu’en ce développement, le Philosophe athénien étudie les deux catégories : où ? et quand ?, τὸ ποτέ et τὸ ποῦ, il en prend occasion de nous faire brièvement connaître les doctrines qu’Archytas professait au sujet du temps et du lieu.

De la doctrine relative au lieu, voici le résumé :

Le lieu (ὁ τόπος) est quelque chose qui est distinct des corps, qui subsiste par soi et indépendamment de tous les autres êtres. Toute chose qui existe se trouve en un lieu où, tout au moins, ne peut être sans que le lieu soit. Tout ce qui se meut, se meut dans le lieu : rien ne saurait donc agir ni pâtir que le lieu n’existât au préalable. Le lieu est le premier des êtres.

C’est le caractère propre du lieu que toutes choses soient en lui mais que lui, à son tour, ne soit en rien, car le lieu est borné mais, au delà de sa frontière, il n’y a rien que le vide infini (ἀπείρον ϰενόν).

Il est doué du pouvoir d’imposer des bornes aux corps qui sont en lui et d’empêcher leurs dimensions de s’accroître ou de décroître indéfiniment ; il possède aussi une sorte de puissance contractile par laquelle il se limite lui-même.

  1. Simplicii Op. laud., c. X ; éd, cit., p. 407.
  2. Simplicii Op. laud., éd. cit., pp. 301-377.