Page:Duhem - Le Système du Monde, tome I.djvu/496

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
488
LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE


théorie à son achèvement ? Ptolémée nous a dit[1] comment Hipparque entendait que cette besogne fût accomplie, et il nous laisse assez voir que son sentiment, sur ce point, s’accorde avec celui du Bithynien. Rappelons brièvement quelle était la méthode préconisée par celui-ci.

Celui qui veut établir la théorie d’un astre errant commencera par recueillir des observations nombreuses et précises. La discussion de ces observations lui fera distinguer quelles sont les diverses sortes d’anomalies dont le mouvement de l’astre est affecté ; elle lui permettra de formuler certaines lois expérimentales auxquelles obéissent les périodes et les grandeurs de ces diverses anomalies.

Il prendra alors la combinaison de mouvements circulaires et uniformes par laquelle il se propose de sauver les anomalies. Dans cette combinaison, plusieurs éléments restent, jusqu’ici, indéterminés ; on peut faire varier la position relative des divers cercles, la grandeur de chacun d’eux, la durée du mouvement auquel il sert de trajectoire. À l’aide des diverses lois que la discussion des observations a révélées, on fixera la grandeur de chacun de ces éléments, de manière à obtenir une combinaison entièrement déterminée de mouvements circulaires et uniformes.

Les propriétés géométriques de cette combinaison permettront de calculer des éphémérides par lesquelles toutes les apparences de l’astre doit présenter, pendant un laps de temps de longue durée, se trouveront prévues. L’accord de ces prévisions avec les apparences réellement observées prouvera que la théorie est bonne.

Telle est, pour Ptolémée comme pour Hipparque, la méthode selon laquelle l’Astronomie géométrique doit procéder ; si, parfois, la difficulté des problèmes à résoudre oblige l’Astronome de Péluse à délaisser quelque peu la rigueur d’une telle méthode, il s’en excuse et s’efforce de reprendre bientôt la direction précise qu’elle lui assigne.

En dépit de ces scrupules, Ptolémée ne s’est-il pas écarté, et gravement, des prescriptions qu’il avait lui-même si nettement formulées ? C’est ce que nous allons voir en examinant le système astronomique qu’il a construit.

  1. Claude Ptolémée, Op. laud., livre IX, ch. II ; éd. Halma, t. II, pp. 118-119 ; éd. Heiberg, pars II, pars Π, Θ’, β’, pp. 210-213. — Vide supra, § IV, pp. 457-460.