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L’ASTRONOMIE DES EXCENTRIQUES ET DES ÉPICYCLES


parler, et cela d’une manière conforme à tout ce qu’on observe dans leurs mutuels rapports. »

L’hypothèse qui n’attribue pas à la Terre d’autre mouvement que la rotation diurne est, certainement, celle que les adversaires du repos de la Terre proposaient le plus souvent et soutenaient le plus volontiers ; aussi Ptolémée la discute-t-il avec un soin particulier.

Il est, d’ailleurs, trop averti pour croire que cette hypothèse puisse contredire aux mouvements apparents des astres ou pour nier qu’elle simplifie l’explication de ces mouvements. C’est à la seule Physique qu’il en demandera la réfutation : « S’il est vrai qu’en ce qui concerne les mouvements apparents désastres, rien, peut-être, ne s’oppose à ce qu’il en soit ainsi, au profit d’une compréhension plus aisée, ces gens oublient qu’à l’égard des phénomènes qui se passent autour de nous et au sein de l’air, cette supposition paraîtrait absolument ridicule ».

C’est donc à la Physique, et tout particulièrement à l’observation de ce qui se passe dans la région sublunaire du Monde, qu’il appartient de prouver que la Terre ne tourne pas sur elle-même.

Aussi bien, Aristote avait déjà, au secours de cette proposition, appelé le même genre de preuves ; il avait invoqué cette expérience qu’un corps, jeté verticalement en l’air, retombe à l’endroit d’où il a été lancé.

Voici donc le premier Argument invoqué par Ptolémée : Supposons, contrairement à la vérité, que la Terre, qui est le plus massif de tous les corps et, partant, le moins propre au mouvement, tourne cependant sur elle-même plus vite que tout ce qui l’entoure dans l’Univers. « Toutes les choses qui ne marchent pas sur la Terre même sembleraient animées d’un même mouvement, toujours contraire à celui de la Terre ; jamais un nuage, jamais un être qui vole, jamais un projectile ne paraîtrait avancer vers l’Orient ; la Terre, en effet, par son mouvement vers l’Orient, les gagnerait toujours de vitesse et, sur eux, prendrait les devants, en sorte que tous les autres corps, laissés par elle en arrière, sembleraient reculer vers l’Occident. »

Les partisans de la rotation de la Terre avaient assurément connu cette objection, et ils y avaient répondu ; les sphères des éléments, tels que l’eau et l’air, prennent part, elles aussi, disaient-ils sans doute, au mouvement de la terre. De là cette réplique de Ptolémée :

« S’ils prétendaient que l’air tourne comme la Terre, et avec la même vitesse, les corps qui se trouvent plongés dans cet air n’en