Page:Duhem - Le Système du Monde, tome I.djvu/490

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
482
LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

Son argumentation, inspirée de celle d’Aristote, et assez confuse d’ailleurs, postule que la Terre est sphérique et occupe le milieu du Monde ; il est alors bien clair que la pesanteur ne tend pas à la faire sortir de cette position. La raison de symétrie suffirait à établir ce dernier point, et Ptolémée ne manque pas de l’invoquer : « Il apparaît comme très possible que ce corps, dont la grandeur est dans un rapport très minime à celle de l’Univers, éprouve des efforts semblables de toutes parts et soit retenu en tous sens par des forces qui ont des intensités égales et des directions homologues ».

À ceux qui invoquaient la raison de symétrie pour prouver que la Terre demeure en repos au milieu du Monde, Aristote avait déjà fait cette objection : Cette raison prouve bien qu’un tel repos ne sera pas troublé s’il est une fois établi ; elle ne saurait démontrer que ce repos sera rétabli après qu’il aura été troublé. Cette objection pourrait être adressée à toute l’argumentation de Ptolémée.

Ce n’est plus, en effet, une argumentation qu’il nous présente lorsqu’il ajoute : « Si la Terre se mouvait d’un mouvement qui lui fût commun avec les autres corps graves, il est évident qu’elle les précéderait tous ; entraînée par l’excès même de sa grandeur, elle laisserait en arrière, portés seulement par l’air, les animaux et tous les corps qui, pour une part quelconque, se rangent au nombre des graves ; enfin, elle arriverait avec une grande vitesse à excéder les bornes mêmes du Ciel. Mais il suffit de concevoir ces suppositions pour qu’elles semblent, à tout le monde, du dernier ridicule ».

Les rieurs qu’une telle Physique pouvait rencontrer n’étaient peut-être pas, même en l’Antiquité et au Moyen-Âge, du côté qu’imaginait Ptolémée ; parmi les nombreux auteurs qui, en ces temps, ont emprunté les arguments de Y Ahnayexlc en faveur du repos de la Terre, nous n’en avons jamais rencontré aucun qui eût reproduit ce raisonnement ; le paralogisme était trop grossier pour exercer la moindre séduction.

« Il y a maintenant, poursuit Ptolémée, des gens qui consentent à ces propositions parce qu’elles leur paraissent les plus probables et qu’ils n’ont rien à leur objecter ; mais il leur paraît qu’aucune preuve ne leur saurait être opposée s’ils supposaient, par exemple, que le Ciel est immobile et que la Terre, tournant d’Occident en Orient autour de son axe propre, effectue à peu près une révolution chaque jour ; ou bien encore que le Ciel et la Terre tournent tous deux autour de ce même axe dont nous venons de