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L’ASTRONOMIE DES EXCENTRIQUES ET DES ÉPICYCLES


en même temps [à tous les habitants de la Terre], n’est pas enregistrée par tous à la même heure, si, pour tous, les heures sont également comptées à partir du milieu du jour ; mais toujours les heures enregistrées par ceux qui habitent à l’Orient sont, en avance, tandis que les heures enregistrées par ceux qui habitent au Couchant sont en retard ; et la différence des heures est toujours proportionnelle à la distance des lieux d’observation. »

Adraste développait exactement la même argumentation au début de son Traité d’Astronomie, début que Théon de Smyrne nous a conservé. Ptolémée, cependant, y a joint cette précision essentielle : la différence entre les heures où une même éclipse est vue de deux lieux situés sur un même parallèle est proportionnelle à la distance de ces deux lieux. « Mais, fait observer Paul Tannery[1], cette assertion est purement gratuite de sa part, car l’estime des distances ne reposait que sur des évaluations itinéraires nécessairement très inexactes ; d’un autre côté, les déterminations effectives de longitude ont nécessairement été très rares dans l’Antiquité et les positions géographiques étaient, la plupart du temps, simplement fixées d’après les évaluations de distances. »

Cette preuve marque que la Terre est arrondie de l’Ouest à l’Est ; tout aussitôt, Adraste d’Aphrodisias prouvait qu’elle l’est également du Sud au Nord ; Ptolémée le démontre aussi, et de la même manière qu’Adraste ; mais cette démonstration se présente seulement à la fin d’un développement qui rappelle un des plus singuliers raisonnements de Cléomède.

L’Astronome de Péluse, en effet, procède par voie d’exclusion, comme l’a fait le disciple de Posidonius, afin d’établir que la Terre est sphérique ; les apparences célestes lui servent à prouver que la Terre n’est pas concave, ni plane ; que la surface n’en est pas composée de triangles, de quadrilatères, ni d’autres polygones. « Il est certain également que la Terre n’est pas un cylindre dont la surface serait tournée de manière à regarder le Levant et le Couchant, tandis que les deux bases planes regarderaient les pôles du Monde, ce que certains regarderaient peut-être comme plus vraisemblable. Car plus nous nous avançons vers les Ourses, plus nous voyons d’étoiles australes se cacher à notre regard et plus, en même temps, nous voyons nous apparaître d’étoiles boréales Ce qui démontre que la figure de la Terre est courbée en sphère dans toutes les directions. »

Enfin, comme Cléomède, comme Pline, Ptolémée invoque cet

  1. Paul Tannery, Recherches sur l’histoire de l’Astronomie ancienne, ch. V, 2, pp. 104-105.