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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE


dues s’arrondissent en petites sphères ; jetées sur la poussière, déposées sur le duvet des feuilles, elles se présentent avec une sphéricité parfaite. Dans un vase plein, le liquide est plus élevé au milieu ; et ce phénomène, en raison de la ténuité et du peu de consistance du liquide, nous le concluons plutôt que nous ne le voyons. En effet, chose encore plus singulière, le liquide, dans un vase plein, déborde pour peu qu’on y ajoute ; il ne déborde pas si l’on y fait glisser des poids qui vont souvent jusqu’à vingt deniers. Dans ce dernier cas, les poids introduits ne font qu’augmenter la convexité du liquide ; dans le premier cas, la convexité déjà existante fait que le liquide déborde incontinent ».

Nous savons aujourd’hui combien sont fautives ces comparaisons qui confondent les phénomènes dûs à la pesanteur avec les effets de la capillarité. Mais pouvons-nous reprocher aux physiciens de l‘Antiquité de n‘avoir pas nettement aperçu la distinction qui existe entre ces deux ordres de phénomènes ? Ne rencontrait-on pas bien souvent, il y a peu d’années, des physiciens, et non des moindres, qui, par une confusion toute semblable, cherchaient dans les expériences de Plateau sur les phénomènes capillaires, une explication de l’anneau de Saturne et une preuve en faveur de la théorie cosmogonique de Laplace ?

La Terre sphérique est au centre du Monde. C’est encore une proposition que Pline formule[1] et qu’il démontre par ces deux raisons : L’égalité des jours et des nuits a lieu en même temps par toute la Terre ; au temps de l’équinoxe, le lever et le coucher du Soleil se font en des points diamétralement opposés du cercle de l’horizon.

Tous ceux donc qui, depuis le temps d’Hipparque jusqu’à celui de Ptolémée, ont écrit sur l’Astronomie semblent avoir admis les principes formulés par Dercyllide. L’astronome ne peut développer, par les méthodes qui lui sont propres, la théorie des mouvements des corps célestes, s’il ne postule d’abord un certain nombre de propositions rendues manifestes par des raisons que la Physique fournit.

Ces propositions, les uns les entremêlent à leur exposé des doctrines astronomiques, établissant chacune d’elles au moment où elle est exigée par le progrès de leur enseignement ; les autres, plus logiques, en placent les énoncés et les démonstrations en tête de leur traité sur le mouvement des astres.

Tous, d’ailleurs, semblent s’accorder à réclamer les mêmes

  1. Pline l’Ancien, Op. laud., lib. II, cap. LXIX.