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L’ASTRONOMIE DES EXCENTRIQUES ET DES ÉPICYCLES

« La terre, de figure arrondie, est de tous côtés entourée par le Ciel. » La démonstration de la rotondité de la terre est donnée par Cléomède sous une forme quelque peu naïve[1]. Notre auteur procède par exclusion ; il prouve que la terre ne peut être ni plane ni concave, qu’elle n’a pas la forme d’un cube ni d’une pyramide ; il ajoute : « Puisque les phénomènes observables montrent qu’aucune de ces formes ne convient à la terre, il est nécessaire qu’elle ait la forme d’un globe » ; comme si l’on ne pouvait imaginer aucune forme autre que celles dont on vient de lire l’énumération !

Cléomède poursuit, il est vrai, en ces termes : « Nous pouvons également, en prenant pour point de départ les apparences que nous constatons, démontrer directement que la terre a la figure d’un globe ». Mais les arguments qu’il présente, bons à prouver que la terre a une forme arrondie, ne sauraient suffire à démontrer qu’elle est sphérique. Ils consistent à constater qu’on ne voit pas en tous pays les mêmes astres ; que la hauteur du pôle varie d’un lieu à l’autre, ainsi que la longueur des jours et des nuits. « Toutes ces choses démontrent manifestement que la terre a la forme d’un globe. Aucune de ces choses, en effet, ne saurait se produire sur une autre figure ; la figure de la sphère est la seule où elles se puissent observer. » Par ces déclarations, Cléomède nous donne une bien médiocre idée de la rigueur de sa raison.

Il développe encore avec complaisance cet argument qui, jusqu’à nos jours, a fait fortune dans les écoles : « Lorsque, venant du large, nous approchons de terre, ce sont les sommets des montagnes qui se montrent, les premiers, à nos regards ; les autres parties du continent sont cachées par la courbure des eaux… Toutes ces choses prouvent, sans qu’il soit besoin de recourir à des démonstrations faites à l’aide défigurés géométriques, que la terre a la figure sphérique ».

Ce point censé acquis, Cléomède en conclut que l’air, qui entoure librement la terre, doit être sphérique ; qu’il en doit être de même de l’éther qui, sans aucune contrainte, enveloppe l’air. Ainsi, de proche en proche, on arrive à cette affirmation : Le Monde est sphérique. La sphère, d’ailleurs, étant la plus parfaite des figures, convient au plus parfait des corps.

« La Terre est au milieu du Monde »[2]. Cléomède démontre cette nouvelle proposition par une méthode d’exclusion, qu’il emprunte, en grande partie, à Aristote. Il décrit les phénomènes qui

  1. Cléomède, Op. laud., lib, I, cap. VIII ; éd. Ziegler, pp. 72-87.
  2. Cléomède, Op. laud., lib. I, cap. IX ; éd. Ziegler, pp. 86-91.