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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

Telle paraît avoir été la méthode suivie par Posidonius.

Le stoïcien Posidonius d’Apamée avait été disciple de Panetius qui enseignait à Rhodes au temps où Hipparque y faisait des observations astronomiques. Il avait rédigé, sur les sciences physiques, un grand traité, aujourd’hui perdu, dont le titre était Φυσιϰὸς λόγος ; ce traité renfermait de nombreux chapitres consacrés à l’Astronomie et à la Cosmographie. Nul, nous le verrons, n’avait, plus exactement que Posidonius, défini les rapports de subordination qui existent entre l’Astronomie et la Physique. Il est donc probable que l’exposé des théories astronomiques était, dans son traité, précédé par la justification physique des postulats dont le géomètre devait user ; cette justification devait former un écrit, assez analogue au De Cælo d’Aristote dont, sans doute, les arguments étaient maintes fois repris par Posidonius.

De cette partie du Discours physique de Posidonius, nous pouvons nous faire idée en lisant le petit traité de Cosmographie que Cléomède a intitulé : Κυϰλιϰὴ θεωρία μετεώρων, Théorie du mouvement circulaire des corps célestes[1].

De ce Cléomède, nous ignorons le pays où il naquit, comme le temps où il vécut. Son traité cosmographique présente tous les caractères d’un écrit antérieur à Ptolémée ; mais il offre surtout une particularité qui nous le rend intéressant à un très haut degré ; c’est celle de nous mettre constamment en présence de la pensée de Posidonius, soit que l’auteur déclare adopter la doctrine du savant stoïcien, soit qu’il se propose de la discuter.

Entre les postulats que l’Astronomie emprunte à la Physique et les propositions qui relèvent des méthodes propres à l’Astronome, Cléomède n’établit pas la ligne de démarcation que Dercyllide dessinera si nettement et que, probablement, Posidonius avait tracée avant lui ; axiomes de Physique et vérités d’Astronomie s’entremêlent quelque peu dans son exposé. Mais, dans cet exposé, nous trouvons la plupart des axiomes que Ptolémée énoncera, plus tard, sous une forme souvent peu différente de celle que leur a donnée le disciple de Posidonius.

Le premier de ces axiomes est celui-ci[2] : « Le Monde est limité, et au delà de la surface qui le borne, s’étend un vide infini ». En faveur de cette affirmation, Cléomède entame une vive discussion avec la Physique péripatéticienne ; nous avons, précédemment[3], analysé cette discussion.

  1. Cleomedis, De motu corporum caelestium libri duo. Ed. Hermannus Ziegler, Lipsiæ, MDCCCXCI.
  2. Cleomède, Op. laud., lib. I, cap. I ; éd. Ziegler, pp. 2-21.
  3. Voir Ch. V, § XI, pp. 310-313.