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L’ASTRONOMIE DES EXCENTRIQUES ET DES ÉPICYCLES


mier lieu, les hypothèses à partir desquelles procède la théorie du mouvement des astres errants. Mais peut-être, avant toutes choses, y a-t-il lieu de mettre le choix des principes qui trouveront leur application aux Mathématiques, et tout le monde en convient.

» Le premier de ces principes est celui-ci : Le Monde est disposé suivant un certain ordre ; cette organisation est gouvernée par un principe unique, substance de tout ce qui est réellement et de tout ce qui paraît ; il ne faut donc pas prétendre que le Monde accessible à notre vue s’étend à l’infini, mais bien qu’il est terminé de toutes parts.

» Le second principe est que le lever et le coucher des corps divins [des astres] ne sont pas dûs à ce que ces corps s’allument pour s’éteindre ensuite ; si ces corps, en effet, n’avaient pas une durée éternelle, aucun ordre ne subsisterait dans l’Univers.

» Le troisième principe affirme qu’il n’y a ni plus ni moins de sept astres errants ; ce qu’a rendu manifeste une longue observation.

» Il n’est pas raisonnable que tout ce qui existe soit en mouvement ; il ne l’est pas non plus que tout soit en repos ; il faut donc bien convenir, et ce sera le quatrième principe, quels sont, dans l’Univers, les corps qui doivent demeurer immobiles, quels sont ceux qui doivent se mouvoir.

» Dercyllide déclare que la Terre qui, selon Platon, est le foyer de la maison des dieux, doit demeurer immobile ; les astres errants, au contraire, doivent se mouvoir ainsi que le Ciel [des étoiles fixes] qui les entoure. Il repousse avec malédiction ceux qui ont fixé les corps qui se meuvent et qui ont mis en mouvement les corps immobiles et fixes par nature, car ils ont renversé les fondements de l’art augural. » Dercyllide, on le voit, se fût associé à Cléanthe pour exiger que l’on condamnât l’impiété d’Aristarque.

En demandant que l’astronome, avant de commencer ses recherches mathématiques, posât un certain nombre de propositions démontrées par le physicien et qu’il les reçût comme des principes capables de diriger ses propres recherches, Dercyllide n’innovait pas ; il se bornait à affirmer la dépendance, communément reconnue par les philosophes, entre l’Astronomie et la Physique ; d’autres, nous le verrons dans un prochain chapitre, avaient également précisé les caractères de cette dépendance ; et ceux qui composaient des traités d’Astronomie, respectueux observateurs de ces préceptes, commençaient par énoncer les postulats, empruntés à la Physique, qui devaient servir de points de départ à leurs déductions.