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L’ASTRONOMIE DES EXCENTRIQUES ET DES ÉPICYCLES


célestes, multiplièrent les combinaisons habiles de mouvements circulaires et uniformes, tandis que, de ces mêmes apparences, les astronomes répétaient les observations de plus en plus précises.

Cette préparation longue et intense aboutit à l’œuvre de Claude Ptolémée.

Dans toutes les tentatives de ses prédécesseurs, mettre l’ordre et l’unité ; reprendre sur nouveaux frais et conduire jusqu’à l’achèvement les essais qui n’avaient été qu’ébauchés ; construire ainsi un système logiquement agencé où la Science astronomique tout entière se trouvât exposée ; tel est le but que le Géomètre de Péluse fixe à ses efforts ; il l’atteint aussi parfaitement qu’il est donné à l’esprit humain de réaliser un idéal.

Le désir d’écrire un traité qui fût, à la fois, très complet et parfaitement ordonné se marque dans le titre même que Ptolémée donne à son principal ouvrage ; il le nomme : La grande composition mathématique de l’Astronomie, Μεγάλη μαθηματιϰὴ δύνατις τῆς ἀστρονομίας. Dans leur admiration pour ce livre, les Arabes l’ont appelé le Grand, al Majesti, et les astronomes chrétiens du Moyen-Âge lui ont conservé ce nom d’Almageste.

Et vraiment, l’Almageste mérite l’admiration dont il fut entouré pendant tant de siècles. Après que la révolution astronomique dont Copernic fut l’initiateur eut abouti aux Principes de Newton, il fut de mode de traiter avec un dédain moqueur l’œuvre qui coordonnait le système géocentrique longtemps en vigueur. Les astronomes se comportaient en enfants ingrats, frappant le sein qui les a nourris. Comment Copernic eût-il pu faire prévaloir les avantages de sa théorie sur la doctrine précédemment admise, s’il n’avait eu à sa disposition les observations et les tables multiples des Georges de Peurbach et des Régiomontanus ? Et comment Peurbach et Régiomontanus eussent-ils fait leurs observations et dressé leurs tables s’ils n’avaient été constamment guidés par les canons que prescrivait l’Astronomie de l’Almageste ? Du iie siècle de notre ère au xvie siècle, les doctrines de Ptolémée ont fait régner l’ordre dans la Science astronomique ; ordre provisoire, il est vrai, auquel la théorie de la gravitation universelle devait un jour substituer une classification différente et singulièrement plus parfaite ; mais ordre indispensable, sans lequel la classification définitive ne fût, peut-être, jamais parvenue à s’établir.

La date où la Grande composition astronomique[1] fut achevée

  1. Nous continuerons, comme dans ce qui précède, à citer la Syntaxe d’après les éditions suivantes :

    ΚΛΑΥΔΙΟΥ ΠΤΟΛΕΜΑΙΟΥ Μαθηματιϰὴ σύνταξις. Composition mathématique