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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

Rien de plus obscur que les termes par lesquels le Naturaliste prétend définir la troisième cause capable de faire varier la distance d’une planète à la Terre. Comme l’a fait remarquer Milich, ces termes, et plusieurs autres propos de Pline, ne peuvent s’interpréter que comme des allusions au mouvement des planètes sur leurs épicycles ; mais comme ces allusions sont vagues ! Ce que l’on y peut discerner de plus clair, c’est que ce mouvement sur l’épicycle, d’où résultent les stations et les marches rétrogrades, s’explique par une action tantôt attractive et tantôt répulsive de l’échauffement produit par les rayons solaires. Cette idée, dont le Timée paraît contenir le premier germe[1], se retrouve chez bon nombre d’auteurs postérieurs à Pline[2].

Ce que nous lisons dans l’Histoire naturelle de cet auteur nous permet donc d’affirmer qu’avant lui, la théorie des planètes avait été poussée bien au delà du point qu’Hipparque, au dire de Ptolémée, n’avait pas franchi ; on avait cherché à déterminer la ligne des absides du déférent de chaque planète, et les résultats que l’on avait trouvés se rapprochaient beaucoup, dans certains cas, de ceux que Ptolémée allait obtenir. Avait-on progressé davantage ? Avait-on déterminé les excentricités des divers déférents, Le rapport du rayon de chaque épicycle au rayon de l’excentrique correspondant ? Compilateur incompétent, Pline l’Ancien ne nous en dit rien, pas plus qu’il ne nous transmet les noms des astronome qui ont accompli ces progrès. Tout ce que son exposé obscur et incomplet nous permet d’affirmer, c’est que Ptolémée a trouvé la théorie des planètes plus avancée qu’elle n’était après les recherches d’Hipparque, et que l’œuvre propre de l’auteur de l’Almageste avait été préparée par certaines tentatives dont il ne nous parle pas.


VI
LA Composition mathématique DE CLAUDE PTOLÉMÉE

La rareté des documents, la pauvreté des renseignements qu’ils nous fournissent laissent, cependant, une affirmation, hors de doute, et c’est celle-ci : Depuis le temps d’Aristarque de Samos jusqu’au temps de Ptolémée, le génie grec s’appliqua, avec une extraordinaire activité, à la solution du problème astronomique ; les géomètres, soucieux de sauver toujours plus exactement les apparences

  1. Voir p. 59.
  2. Voir p. 59 et p. 444.