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L’ASTRONOMIE DES EXCENTRIQUES ET DES ÉPICYCLES


que la Lune se meut ainsi qu’il vient d’être dit, les divers cercles qui règlent son mouvement sont emportés par une rotation d’ensemble autour de l’axe du Monde.

Quelle fut l’œuvre d’Hipparque dans la théorie des planètes ? Voici en quels termes Ptolémée nous la décrit[1] : « J’estime qu’Hipparque s’est montré très fidèle ami de la vérité en toutes choses, mais particulièrement en ceci : Comme il n’avait pas reçu de ses prédécesseurs autant de bonnes observations qu’il nous en a laissé, il a recherché quelles hypothèses il fallait admettre pour le Soleil et pour la Lune, et il a démontré que tout le mécanisme de ces hypothèses était constitué par des mouvements circulaires et uniformes ; mais cette tâche accomplie, nous voyons, par les mémoires qu’il nous a laissés, qu’il n’a même pas entrepris les premières recherches sur les hypothèses propres aux cinq planètes ; il a seulement classé dans un ordre plus commode les observations dont ces astres avaient été l’objet ; il a montré, en outre, par ces observations, que les apparences ne s’accordaient pas avec les hypothèses adoptées par les mathématiciens de son temps.

» Il lui paraissait, en effet, nécessaire de déclarer que chacun de ces astres subit, en son mouvement, une double anomalie ; que, pour chacun d’eux, les arcs de rétrogradation sont inégaux entre eux, et cela d’une fort grande quantité ; tandis que les autres mathématiciens, par la démonstration qu’ils donnaient à l’aide de figures géométriques, trouvaient une seule et même anomalie, un seul et même arc de rétrogradation ; mais il ne pensait pas que cette seule déclaration fût suffisante. Il ne croyait pas non plus qu’il suffît d’affirmer que toutes ces apparences résultent de la composition de mouvements sur des cercles excentriques, ou bien sur des cercles concentriques au zodiaque, mais porteurs d’épicycles, ou bien, par Jupiter, qu’elles résultent de la combinaison de ces deux sortes d’hypothèses, l’anomalie zodiacale étant d’une certaine grandeur et l’anomalie solaire d’une autre grandeur. C’est à de semblables suppositions que se sont à peu près appliqués ceux qui ont voulu démontrer la vérité du mouvement circulaire et uniforme à l’aide d’une table dite perpétuelle ; mais ils ont procédé d’une manière erronée et sans preuves suffisantes ; les uns n’ont aucunement poursuivi l’objet proposé à leurs recherches ; les autres ne l’ont poursuivi que jusqu’à un certain point peu éloigné.

  1. Claude Ptolémée, Op. laud., livre IX, ch. II ; éd. Halma, t. II, pp. 118-119 ; (La traduction de l’abbé Halma dit parfois, en ce passage, tout le contraire du texte), éd. Heiberg, vol. II, Θ’, β’, pp. 210-211.