Page:Duhem - Le Système du Monde, tome I.djvu/463

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
455
L’ASTRONOMIE DES EXCENTRIQUES ET DES ÉPICYCLES


de la Lune, il s’était servi d’observations d’éclipses qui n’étaient pas les mêmes dans les deux cas et qui, les unes et les autres, étaient entachées d’erreurs ; les deux théories obtenues ne présentaient pas entre elles l’équivalence absolue qui se fût manifestée si elles eussent été toutes deux exactes.

« Après ces démonstrations, dit Ptolémée[1], quelqu’un demandera pour quelles raisons les éclipses employées par Hipparque dans le calcul de l’anomalie ne donnent pas le même résultat que celui que nous avons trouvé, et pourquoi le rapport déterminé dans l’hypothèse de l’excentrique ne s’accorde pas avec le rapport déterminé dans l’hypothèse de l’épicycle… Cette erreur ne provient pas de la différence des hypothèses comme quelques personnes se l’imaginent, puisque nous avons évidemment montré que l’on obtient les mêmes résultats par l’une et par l’autre hypothèses, pourvu, toutefois, que l’on parte des mêmes phénomènes, au lieu de prendre pour bases des calculs des phénomènes différents, comme l’a fait Hipparque. »

S’il nous est permis, au travers de la pensée de Ptolémée, de deviner la pensée d’Hipparque, celle-ci nous apparaîtra comme constamment attentive à l’équivalence des deux sortes d’hypothèses astronomiques, comme constamment soucieuse de ne point faire entre elles un choix que la Géométrie n’impose pas. Par là, l’Astronome bithynien nous semblera préoccupé des mêmes principes qu’Apollonius de Perge.

Apollonius de Perge et les mathématiciens de son temps s’étaient-ils bornés à établir les propositions géométriques qui régissent l’emploi des épicycles et des excentriques ? Avaient-ils poussé plus loin et s’étaient-ils efforcés, pour les divers astres, de déterminer les grandeurs relatives et les dispositions de ces divers cercles hypothétiques, de telle sorte que, par leur emploi, les diverses apparences célestes se trouvassent sauvées non seulement d’une manière qualitative, mais encore jusqu’aux concordances numériques précises ? Nous n’en savons rien.

Nous savons, en revanche, qu’Hipparque avait abordé la seconde partie, la partie proprement astronomique de cette tâche. Pour le Soleil, il l’avait menée si avant que Ptolémée n’eut qu’à recueillir les déterminations de son prédécesseur. Pour la Lune, il était, du moins, parvenu à définir la méthode que devait suivre l’auteur de l’Almageste.

  1. Claude Ptolémée, Op. laud., livre IV, ch. X ; éd. Halma, t. I, pp. 274-275 ; éd. Heiberg, vol. I, Δ, ια’, pp. 338-339.