Page:Duhem - Le Système du Monde, tome I.djvu/460

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
452
LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE


plus autour d’un corps concret, mais autour d’un point géométrique, d’une abstraction. Dès là que ce centre perdait la réalité, qu’il ne s’incarnait plus dans une masse telle que le Soleil, rien ne le contraignait à demeurer unique. Si les géomètres trouvaient commode d’attribuer aux excentriques mobiles ou aux épicycles des diverses planètes des centres différents, aucune entrave ne s’opposait au jeu de leur fantaisie. Ils usèrent de cette liberté, et le système des épicycles et des excentriques parvint ainsi à la forme qu’il présentait, sans doute, au temps d’Apollonius de Perge.

Les astronomes grecs seraient donc, si toutes ces conjectures sont fondées, partis du système héliocentrique d’Aristarque de Samos, sorte d’ébauche du futur système de Copernic.

En fixant la Terre, ils auraient obtenu un système qui fût à celui d’Aristarque de Samos ce que la théorie de Tycho Brahé est à la théorie de Copernic.

La nécessité d’expliquer la marche irrégulière du Soleil aurait fait attribuer à un centre purement géométrique le rôle que jouait le Soleil dans le second système ; le Soleil aurait été réduit à décrire un épicycle autour de ce centre abstrait.

Enfin ce centre se serait, pour ainsi dire, éparpillé dans l’espace ; à chaque astre errant, on aurait fait correspondre un point mû uniformément sur un déférent concentrique à la Terre ; autour de ce point, l’astre aurait décrit soit un épicycle, soit un excentrique mobile. Cet état de la théorie astronomique est celui qu’auraient connu Apollonius de Perge et les géomètres de son temps.

Nous avons pris soin de marquer tout ce qu’il y a de douteux dans cette reconstitution des doctrines astronomiques des Grecs avant le temps d’Hipparque. Ce que nous venons d’exposer n’est, en très grande partie, qu’une hypothèse ; mais cette hypothèse sauve trop bien les quelques renseignements précis que les textes nous ont conservés pour qu’il soit permis de la passer sous silence.


IV
HIPPARQUE

La théorie des excentriques et des épicycles, ébauchée par les géomètres et, en particulier, par Apollonius de Perge, allait être complétée et précisée par Hipparque.

Hipparque fit d’importantes observations astronomiques à Rhodes. en 128 et en 127 avant J.-C. ; ce renseignement nous apprend