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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE


et en donnant à ces deux cercles épicycles un même centre, a démontré que Lucifer devait se trouver tantôt au-dessus du Soleil et tantôt au-dessous ».

Il est peu probable, nous l’avons dit, qu’Héraclide ait donné un épicycle au Soleil. Chalcidius lui attribue sans doute une hypothèse qui fut proposée plus tard, à l’époque où se constitua la théorie astronomique que nous venons de décrire.

Th. H. Martin pensait que Chalcidius s’était inspiré, en ce qu’il dit du mouvement du Soleil et de Vénus, de quelque ouvrage, aujourd’hui perdu, d’Adraste d’Aphrodisias ou de Théon de Smyrne. En effet, Théon de Smyrne, dans son Livre d’Astronomie, expose une doctrine toute semblable qu’il emprunte, d’ailleurs, à son maître Adraste d’Aphrodisias.

Théon admet que chaque planète décrit un cercle épicycle dont le centre parcourt un cercle déférent concentrique au Monde. Désireux de réaliser matériellement un tel mécanisme, il suppose[1] que la planète est enchâssée dans une sphère pleine, et que celle-ci, à son tour, se trouve comprise dans l’épaisseur d’un globe creux limité par deux surfaces sphériques concentriques au Monde. Le globe creux, tournant autour de l’axe de l’écliptique, fait décrire au centre de la sphère pleine un cercle déférent concentrique au Monde ; par une rotation sur elle-même, la sphère pleine oblige la planète à parcourir un cercle épicycle.

« En ce qui concerne le Soleil, Vénus et Mercure, poursuit Théon[2] on peut admettre que chacun de ces astres ait deux sphères propres ; que les sphères creuses des trois astres, tournant avec la même vitesse, parcourent, en un même temps, la sphère entière des étoiles fixes, la rotation des trois premières sphères étant, d’ailleurs, de sens contraire à la rotation de la dernière ; que les trois sphères pleines aient sans cesse leurs centres sur la même droite [issue du centre de la Terre] ; que, de ces trois sphères solides, la plus petite soit celle du Soleil ; que la sphère de Mercure soit plus grande que la sphère du Soleil, et la sphère de Vénus plus grande que la sphère de Mercure.

» Mais il peut se faire également qu’il existe un seul globe creux commun aux trois astres, et que leurs trois sphères pleines, contenues dans l’épaisseur du globe creux, aient un seul et même centre ; de ces sphères, la plus petite, la seule qui soit vraiment, pleine,

  1. Theonis Smyrnæi Liber de Astronomia, cap. XXXII ; éd. Th. H. Martin, pp, 282-283. — Théon de Smyrne Exposition des connaissances mathématiques…, éd. J. Dupuis, ch. XXXII, pp, 294-295.
  2. Theonis Smyrnæi Liber de Astronomia, cap. XXXIII ; éd. Th. H. Martin, pp. 294-296 ; éd. J. Dupuis, pp. 300-301.