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L’ASTRONOMIE DES EXCENTRIQUES ET DES ÉPICYCLES


théorie d’Aristarque, on dut attribuer au Soleil un mouvement uniforme sur un cercle dont la Terre était le centre. Il se trouva donc que l’inégalité des saisons demeurait inexpliquée.

L’impérieux besoin de sauver cette inégalité dut conduire les astronomes, comme nous l’avons expliqué au § I, à déplacer le centre du cercle parcouru par le Soleil, à faire décrire à cet astre un cercle fixe excentrique à la Terre.

Mais en admettant cette hypothèse afin que le mouvement irrégulier du Soleil fût sauvé, les astronomes durent être animés du désir de conserver, autant que possible, le système déjà construit, et qui semblait propre à rendre compte des anomalies des planètes.

L’accomplissement de ce désir leur fut rendu facile lorsque les géomètres démontrèrent qu’au lieu de faire marcher le Soleil sur un cercle excentrique à la Terre, on pouvait lui faire parcourir un cercle épicycle dont le centre décrivit, à son tour, un cercle concentrique à la Terre. Une légère modification du système astronomique adopté jusqu’alors permit d’y insérer un mécanisme capable d’expliquer l’inégalité des saisons. Voici la théorie que l’on obtint :

Sur un cercle dont la Terre est le centre, circule, d’Occident en Orient, et avec une vitesse invariable, un point purement abstrait.

Ce point sert de centre à trois épicycles. Le plus petit de ces épicycles est parcouru d’un mouvement uniforme pur le Soleil ; l’épicycle suivant est décrit par Mercure ; le plus grand est décrit par Vénus.

Ce même point est le centre de trois excentriques mobiles qui sont les trajectoires de Mars, de Jupiter et de Saturne.

Telle aurait été, selon la conjecture que nous développons ici, la seconde forme prise par la théorie des épicycles et des excentriques mobiles.

Avons-nous des preuves positives que la doctrine astronomique ait, à une certaine époque, revêtu cette forme ?

Deux textes fondamentaux reproduisent une partie essentielle du système que nous venons de définir.

Le premier de ces textes est de Chalcidius[1], et nous l’avons déjà cité au Chapitre précédent[2] ; le voici : « Héraclide du Pont, en attribuant un épicycle à Lucifer (Vénus) et un autre au Soleil,

  1. Theonis Smyrnæi Platonici Liber de AstronomiaAccedit etiam Chalcidii locus ex Adrasto vel Theone expressus. Edidit Th. H. Martin, Parisiis, pp. 419-428. — Chalcidii Commentarius in Timœam Platonis, CIX, CX, CXI (Fragmenta philosophorum grœcorum. Collegit F. A. G. Mullachius ; vol. II, pp. 206-207 ; Parisiis, Ambrosius Firmin-Didot, 1867).
  2. Voir p. 408.