Page:Duhem - Le Système du Monde, tome I.djvu/453

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
445
L’ASTRONOMIE DES EXCENTRIQUES ET DES ÉPICYCLES


aux cinq étoiles errantes, ce que le Timée disait[1] de la force antagoniste, de l’ἐναντία δύναμις par laquelle le Soleil retient dans son voisinage les deux astres de Vénus et de Mercure.

Il semble avéré par là que les astronomes dont Macrobe épouse les idées confusément aperçues ne donnaient pas à Mercure et à Vénus, dans le cortège des étoiles errantes, un rôle entièrement exceptionnel ; que le Soleil, à leur avis, devait se comporter à l’égard de Mars, de Jupiter et de Saturne à peu près comme il se comporte à l’égard de Mercure et de Vénus.

Or, d’autre part, Macrobe cite avec grande faveur[2] l’opinion d’astronomes auxquels il donne le nom d’Égyptiens, sans doute parce qu’ils avaient enseigné à Alexandrie ; ces Égyptiens admettaient l’hypothèse d’Héraclide du Pont ; ils faisaient circuler Vénus et Mercure autour du Soleil.

Dès lors, nous sommes portés à croire que ces astronomes prenaient également le Soleil pour centre des mouvements de Mars, de Jupiter et de Saturne.

Aussi, lorsque Macrobe nous dit[3] que « le Soleil est pour l’éther ce que le cœur est pour un animal, car la nature du cœur est d’être toujours en mouvement », nous ne pouvons nous empêcher de comparer son langage à celui de Théon de Smyrne. En ce langage, il est permis de reconnaître le souvenir lointain, confus, reproduit par un auteur peu compétent, d’un système astronomique où le Soleil, cœur du Monde, siège de l’Âme qui meut l’Univers, mû lui-même d’un mouvement incessant autour de la Terre, donnait l’impulsion aux cinq étoiles errantes et les contraignait de circuler autour de lui.

Voilà donc constitué un système astronomique fort semblable à celui qu’ont professé, au rapport de Ptolémée, « les géomètres et, en particulier, Apollonius ». Mais, en ce système que nous venons de décrire, ni les planètes qui décrivent des épicycles, ni celles qui circulent sur des excentriques mobiles, ne tournent autour d’un point purement abstrait ; les unes et les autres tournent autour d’un corps réel, et ce corps est le Soleil ; quant à la Lune et au Soleil, ils tournent autour d’un autre corps réel, la Terre ; l’une des exigences essentielles de la Physique péripatéticienne est respectée par cette théorie astronomique.

Plus tard, les astronomes se sont soustraits à cette exigence. Comment y furent-ils amenés ? Nous tenterons, dans un instant,

  1. Voir Chapitre II, § VIII, p, 59.
  2. Macrobii Op. laud., lib. I, cap. XIX.
  3. Macrobii Op. laud., lib. I, cap. XX.