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L’ASTRONOMIE DES EXCENTRIQUES ET DES ÉPICYCLES


à l’affirmer ? Si l’on veut parler d’un texte explicite et formel, on doit, sans hésiter, répondre : non. Mais Théon de Smyrne, écho de l’enseignement d’Adraste d’Aphrodisias, présente des considérations[1] qu’il est malaisé de ne point prendre pour une transparente allusion à ce système.

Ces considérations débutent en rappelant, au sujet des mouvements de Vénus et de Mercure, l’hypothèse proposée par Héraclide du Pont.

« Il se peut qu’il n’y ait qu’une seule sphère creuse commune aux trois astres [le Soleil, Mercure et Vénus] et que les trois sphères solides, dans l’épaisseur de celle-là, n’aient qu’un seul et même centre ; la plus petite serait la sphère vraiment pleine du Soleil, autour de laquelle serait celle de Mercure ; viendrait après, entourant les deux autres, celle de Vénus qui remplirait toute l’épaisseur de la sphère creuse commune. C’est pour cela que ces trois astres sont laissés en arrière sur le zodiaque, ou exécutent un mouvement en longitude de sens contraire au mouvement diurne, qui est, [pour tous trois], de même vitesse, bien que leurs autres mouvements ne soient pas semblables. Ils paraissent toujours voisins, se dépassant et s’éclipsant mutuellement. Mercure s’éloignant au plus, de part et d’autre du Soleil, de vingt degrés au couchant et au levant, et Vénus de cinquante degrés au plus.

» On comprendra que cette position et cet ordre sont d’autant plus vrais que le Soleil, qui est extrêmement chaud, est le lieu d’où part l’animation du Monde, en tant qu’il est ordonné et vivant (ἵνα τοῦ Κόσμου, ὡς ϰόσμου ϰαὶ ζῴου, τῆς ἐμφυχίας ᾖ τόπος οὗτος). Il est, pour ainsi dire, le cœur de l’Univers, à cause de son mouvement, de sa grandeur, et de la marche commune des corps qui sont autour de lui (ϰαὶ τὴν συνοδίαν τῶν περὶ αὐτὸν).

» Car, dans les choses animées, le centre de la chose animée, c’est-à-dire de l’être vivant, en tant qu’être vivant, est autre que le centre du volume ; pour nous, par exemple, comme nous l’avons dit, autre est le centre qui nous anime, en tant que nous sommes hommes et êtres vivants, — ce centre est dans la région du cœur, qui est toujours en mouvement, qui est très chaud et qui, par cela même, est le principe de toute faculté de l’âme, de la faculté qui nous anime, de celle qui nous rend apte à nous mouvoir, du désir, de l’imagination, de la raison — autre est, en nous, le centre du volume, qui se trouve au voisinage du nombril.

  1. Theonis Smirnæi Liber de Astronomia, cap. XXXIII ; éd. Th. H. Martin, pp. 296-299 ; éd. J. Dupuis, pp. 300-303. — Cf ; Sir Thomas Heath, Aristarchus of Samos, p, 262.