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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

Chacune des planètes décrit, d’un mouvement uniforme, un cercle dont le Soleil occupe le centre. Vénus semble ne jamais s’écarter du Soleil, soit d’un côté soit de l’autre, au delà d’un certain angle ; Mercure demeure encore plus voisin du Soleil ; Mars, Jupiter et Saturne, au contraire, peuvent être observés à toute distance du Soleil ; pour sauver ces apparences, il est nécessaire d’admettre que Vénus décrit autour du Soleil un cercle plus petit que celui de la Terre et que Mercure parcourt une orbite plus petite encore que celle de Vénus ; au contraire, les cercles décrits par Mars, par Jupiter et par Saturne doivent contenir le cercle parcouru par la Terre.

Tel fut, à n’en pas douter, le système proposé par Aristarque de Samos, qu’Héraclide du Pont avait peut-être inspiré.

Quelle fut, à l’égard d’un tel système, l’attitude des astronomes ? On peut l’imaginer par analogie avec l’attitude que provoqua, au xvie siècle, le système de Copernic. Les géomètres, d’une part, admirèrent, sans doute, l’élégance avec laquelle cette combinaison de mouvements sauvait le cours apparent des planètes ; mais les physiciens, d’autre part, durent éprouver une extrême répugnance à faire mouvoir la Terre contrairement à ce qu’enseignaient leurs doctrines mécaniques ; et certains d’entre eux, tel Cléanthe, ne négligèrent pas d’emprunter des arguments aux croyances religieuses.

Ces deux tendances opposées durent produire un effet semblable à celui qu’elles ont déterminé au xvie siècle. Un géomètre, mû par la pensée qui devait, plus tard, inspirer Tycho Brahé, s’efforça de maintenir la Terre immobile et de garder cependant, aux divers corps célestes, des mouvements relatifs identiques à ceux que leur attribuait Aristarque de Samos. Il fut ainsi conduit à proposer le système suivant :

La Terre demeure immobile au centre du Monde.

La sphère des étoiles fixes tourne autour de la Terre, accomplissant une rotation diurne à laquelle prennent part tous les autres corps célestes ; mais ceux-ci ont, en outre, des mouvements propres.

La Lune et le Soleil décrivent d’un mouvement uniforme des cercles dont la Terre occupe le centre.

Vénus et Mercure parcourent des épicycles qui ont pour centre le centre même du Soleil.

Mars, Jupiter et Saturne circulent sur des excentriques mobiles dont chacun a également le Soleil pour centre.

Qu’un tel système ait été, à un moment donné, proposé par quelque astronome grec, avons-nous un texte qui nous autorise