Page:Duhem - Le Système du Monde, tome I.djvu/442

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
434
LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

II
DE L’ÉQUIVALENCE ENTRE L’HYPOTHÈSE DE L’EXCENTRIQUE
ET L’HYPOTHÈSE DE L’ÉPICYCLE

Si la pensée des astronomes grecs a suivi, pour concevoir l’hypothèse de l’excentrique et l’hypothèse de l’épicycle, une démarche peu différente décollé que nous venons de décrire, cette pensée a dû s’étonner d’un bien saisissant disparate. Pour sauver l’anomalie qui apparaît dans la marche annuelle du Soleil, il suffit de mouvoir cet astre, d’un mouvement uniforme, sur un cercle dont la Terre n’occupe pas le centre. Pour sauver les irrégularités du cours des planètes, il leur faut faire parcourir un cercle épicycle dont le centre décrive lui-même un cercle concentrique au Monde. Au premier abord, ces deux sortes de mouvements semblent extrêmement différentes ; la loi qui régit le mouvement du Soleil paraît sans affinité avec celle qui régit le mouvement des cinq planètes ; par là, toute l’harmonie des circulations célestes se change en désaccord.

Les géomètres ne tardèrent pas à rétablir l’accord qui, un instant, avait pu paraître troublé. Par de beaux théorèmes, ils prouvèrent l’équivalence d’hypothèses fort dissemblables d’aspect.

Ils montrèrent que si l’on pouvait sauver l’anomalie apparente de la marche solaire en faisant décrire au Soleil un cercle excentrique à la Terre, on pouvait tout aussi bien la sauver en faisant décrire à l’astre un cercle épicycle dont le centre parcourût, à son tour, un cercle concentrique à la Terre ; par là, l’hypothèse de l’épicycle, conçue pour sauver les anomalies planétaires, devenait également propre à sauver le cours apparent du Soleil.

Ils montrèrent aussi comment l’hypothèse de l’excentrique, née du désir de sauver l’inégalité des saisons pouvait, en se généralisant, servir à sauver les apparences compliquées du cours des planètes, et cela exactement comme les sauve l’hypothèse de l’épicycle.

Par ces travaux des géomètres, les astronomes se trouvèrent en possession non pas d’une théorie harmonieuse des mouvements célestes, mais de deux telles théories, l’une exclusivement fondée sur l’emploi de l’épicycle, l’autre sur l’emploi de l’excentrique fixe ou mobile ; ces deux théories se trouvaient, aux yeux du géomè-