Page:Duhem - Le Système du Monde, tome I.djvu/438

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
430
LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE


put sauver les variations fin diamètre apparent du Soleil ni l’inégale durée des saisons ; cette dernière anomalie, en particulier, connue depuis Thalès, s’imposait avec une instance toute spéciale aux méditations des astronomes ; elle fut, très probablement, le point de départ de l’hypothèse des excentriques.

Nul ne doutait, bien entendu, de ce principe pythagoricien et platonicien : Toutes les apparences célestes doivent être sauvées à l’aide de mouvements circulaires et uniformes. Il allait donc sans dire que le Soleil décrit une circonférence de cercle avec une vitesse constante. Par conséquent, si la vitesse angulaire de cet astre ne nous paraît pas la même aux diverses époques de l’année, c’est que, pour en observer le cours, nous ne sommes pas placés au centre de ce cours. Un même arc de l’orbite solaire nous paraît d’autant plus petit qu’il est plus loin de la Terre ; et comme le Soleil traverse toujours cet arc dans le même temps, il nous paraît marcher avec une vitesse variable, minimum lorsqu’il passe, sur son cercle, au point le plus distant de la Terre, à l’apogée, maximum lorsqu’il passe au point le plus voisin de la Terre, au périgée. En même temps, le diamètre apparent est d’autant plus petit que le Soleil est plus voisin de l’apogée, d’autant plus grand que le Soleil est plus voisin du périgée.

Telle est l’hypothèse de l’excentrique.

Elle est, semble-t-il, la conséquence naturelle, spontanée, immédiate du rapprochement entre les principes que Platon et les Pythagoriciens imposaient à toute hypothèse astronomique, et les apparences, connues depuis très longtemps, qu’il s’agissait de sauver. Nous voyons, cependant, que les astronomes ont fort tardé à la proposer ; nous verrons qu’ils ont eu grand’peine à la faire adopter. Les principes étant admis pur tous, d’où provenait cette répugnance à en recevoir la conséquence ?

Si les physiciens ont reçu si tardivement et de si mauvaise grâce l’hypothèse qui fait décrire au Soleil un cercle dont le centre est hors de la Terre, c’est qu’elle enlevait à cette circulation le corps central immobile sans lequel, au gré de la Physique péripatéticienne, aucune rotation ne saurait avoir lieu. Remarquons, à ce propos, que cette opinion ne fut sans doute pas restreinte au Lycée ; ce qui, vraisemblablement, appartient à Aristote, c’est de l’avoir incorporée dans sa théorie générale du lieu et du mouvement local ; mais, sous une forme moins rigoureuse, elle devait être fort répandue chez les penseurs grecs ; on ne concevait pas qu’un astre pût tourner autour d’un point géométrique, en d’autres termes, autour de rien.