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L’ASTRONOMIE DES EXCENTRIQUES ET DES ÉPICYCLES

Lors donc que nous allons nous proposer de retracer les premières tentatives qui aient préparé le système des excentriques et des épicycles, c’est un travail de divination, très hésitant dans son progrès, très douteux dans ses conclusions, qu’il nous faudra faire.

En cette divination, nous marcherons à la suite de deux guides très expérimentés, Paul Tannery[1] et, surtout, G. Schiaparelli[2] ; mais, en dépit de la confiance qu’inspirent leur science et leur érudition, il nous arrivera maintes fois d’être plus timide qu’ils ne l’ont été.

Si nous voulons deviner, avec quelque espoir de tomber juste, les démarches intellectuelles de ceux qui ont recouru les premiers aux excentriques et aux épicycles, il nous faut, d’abord, mettre en face du problème astronomique tel qu’il se posait de leur temps. Ce temps, il faut sans doute le placer après Hléraclide du Pont, qui a connu la fondation d’Alexandrie, faite en 332 ; il faut assurément le mettre avant Apollonius de Perge, qui florissait en 205 ; le troisième siècle avant notre ère lui peut être assigné.

Or, les renseignements que Sosigène empruntait à Eudème et que nous avons reproduits au § 1 du Chapitre précédent nous disent avec précision quelles étaient, à ce moment, les préoccupations des astronomes. Sauver les stations et les mouvements tantôt directs et tantôt rétrogrades des planètes ; sauver les variations du diamètre apparent de ces astres, du Soleil, de la Lune ; sauver enfin la marche inégale du Soleil sur l’écliptique, telles étaient les énigmes que la Science des astres posait à leur sagacité.

Parmi ces énigmes, il en est dont la divination semblait avoir fait un grand pas depuis qu’lléraclide avait proposé sa théorie des mouvements de Vénus et de Mercure ; la combinaison de circulations uniformes que le philosophe du Pont avait proposée paraissait expliquer, de la manière la plus heureuse, à la fois la marche et les variations d’éclat de l’étoile du matin et du soir. On peut donc s’attendre à ce que les astronomes qui viendront après Héraclide s’attachent à conserver, en ce qu’elle avait d’essentiel, son élégante solution.

En revanche, ni Héraclide du Pont, ni Aristarque de Samos, ou développant leur hypothèse héliocentrique, n’avaient rien fait qui

  1. Paul Tannery, Recherches sur l’Histoire de l’Astronomie ancienne, (Mémoires de la Société des Sciences physiques et naturelles de Bordeaux, 4e série, t. I ; 1893).
  2. G. Schiaparelli, Origine del sistema planetario eliocentrico pressa i Greci [Memorie del R. Instituto Lombardo di Scienze e Lettere ; classe di Scienze mathematiche e natureli ; vol. XVII (série III, vol. IX) ; 1898].