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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE


ces méthodes de calcul, ces procédés pour dresser des tables et des éphémérides, il ne paraît pas qu’Héraclide ni Aristarque se soient essayés à les lui fournir.

Et d’ailleurs, il n’était que trop évident que la théorie du géomètre de Samos ne pouvait conduire à ces concordances numériques précises exigées par la Science des astres. Aristarque faisait mouvoir la Terre sur une circonférence de cercle dont le centre, Archimède nous l’a dit, était identique au centre du Soleil ; qu’il l’y fit mouvoir d’un mouvement uniforme, cela ne fait pas question ; comment, dès lors, aurait-il pu rendre compte de cette inégalité des saisons que Thalès avait déjà reconnue, dont Méton et Euctémon, dont Eudoxe avaient déterminé la valeur, et qui, au rapport d’Eudème, avait si fort préoccupé Calippe ?

Cette théorie, capable de sauver, jusqu’à la concordance numérique précise, les inégalités apparentes des mouvements des astres errants, elle commençait à s’ébaucher, au temps même de Séleucus, et peut-être avant lui, par les travaux d’Apollonius de Perge ; ceux d’Hipparque allaient lui assurer de rapides et admirables progrès ; le système des épicycles et des excentriques allait combler les désirs de l’astronome, comme la doctrine d’Aristote avait comblé ceux du physicien, et lui faire oublier entièrement les combinaisons de mouvements héliocentriques.

Entre le physicien, qui demande à la Cosmologie d’Aristote de lui faire connaître les mouvements réels, et l’astronome, soucieux de sauver minutieusement les mouvements apparents par les hypothèses qui supportent le système des excentriques et des épicycles, nous verrons s’engager un combat singulier ; à travers l’Antiquité hellénique, le Moyen-Âge islamique et le Moyen-Âge chrétien, ce combat se prolongera jusqu’au milieu du xvie siècle ; mais, au cours de ce long débat, ni l’un ni l’autre des adversaires n’aura cure de l’Astronomie héliocentrique.