Page:Duhem - Le Système du Monde, tome I.djvu/432

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
424
LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

« Séleucus le mathématicien, écrivant contre Cratès, et faisant, lui aussi, mouvoir la Terre, dit que la révolution de la Lune autour de la Terre produit une réaction sur la rotation de la Terre ; que l’air qui se trouve entre ces deux corps est retourné sens dessus dessous ; qu’il se précipite alors sur la Mer Atlantique, et que pour cette raison, la mer prend part à cette perturbation de l’air. »

Peut-être cette explication des marées paraîtra-t-elle quelque peu naïve ; elle ressemble cependant, et d’une manière très frappante, à celle que proposera Descartes lorsqu’il cherchera l’explication du flux et du reflux dans la gêne qu’éprouve la matière subtile, tourbillonnant autour de la Terre, à passer entre la Terre et la Lune.


VII
L’ABANDON DU SYSTÈME HÉLIOCENTRIQUE

Après Séleucus, nous ne trouvons plus personne, durant l’Antiquité gréco-romaine, qui ait tenu pour l’hypothèse héliocentrique ; cette hypothèse semble être tombée dans un profond oubli d’où nul, avant Copernic, n’a essaye de la tirer.

D’un tel délaissement, il n’est pas fort aisé d’indiquer les raisons ; peut-être, cependant, en peut-on deviner quelques-unes.

Le système héliocentrique pouvait être, comme l’avait fait Aristarque de Samos, présenté comme une hypothèse géométrique propre à sauver les mouvements apparents des astres ; il pouvait être donné pour une doctrine physique conforme à la véritable nature des choses, et c’est ainsi que l’avait proposé Séleucus. En ce dernier cas, il ne donnait pas satisfaction au physicien ; dans le premier, il ne contentait pas les légitimes désirs de l’astronome.

Le physicien, désireux non pas de composer des mouvements imaginés par le géomètre, mais de savoir quels corps, dans l’Univers, sont vraiment en repos, quels se meuvent réellement, recourait, pour décider cette question, aux principes de la Dynamique. Or la Dynamique qu’il avait à sa disposition, c’était, à fort peu près, celle qu’Aristote avait exposée dans ses divers ouvrages ; et cette Dynamique-là donnait, du repos de la Terre, des démonstrations que tous les philosophes jugeaient convaincantes. Comment ce physicien n’eût-il point tenu le système héliocentrique