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LES ASTRONOMIES HÉLIOCENTRIQUES


gnage de Plutarque[1], Cléanthe, disciple de Zénon : « De l’avis de Cléanthe, Aristarque devait être accusé, devant les Grecs, de profanation sacrilège, pour avoir déplacé le foyer du Monde ; cet homme avait tenté, en effet, de sauver les apparences en faisant l’hypothèse que le Ciel demeure immobile et que la Terre parcourt le cercle oblique [l’écliptique], en même temps qu’elle tourne autour de son axe propre ».

Si Aristarque ne fut pas, comme Socrate, condamné à boire la ciguë, la faute n’en est pas au pieux stoïcien Cléanthe.


VI
SÉLEUCUS

Aristarque, cependant, s’était borné à présenter la fixité du Soleil et du Ciel des étoiles fixes, le double mouvement de la Terre comme des hypothèses propres à sauver les apparences ; il ne semble pas qu’il ait jamais affirmé la réalité de toiles hypothèses. D’autres ont été moins réservés que lui ; tel Séleucus, si nous en croyons Plutarque,

« La Terre, dit celui-ci[2], est-elle nécessairement liée à l’axe qui traverse l’Univers de part en part ? Incapable d’être mue comme une machine, demeure-t-elle arrêtée et immobile ? Ou bien devons-nous la regarder comme tournante et détachée de cet axe ? Aristarque et Séleucus ont proposé cette dernière opinion ; le premier, il est vrai, l’a donnée comme une hypothèse ; le second, au contraire, l’a produite d’une manière affirmative. »

Ce Séleucus était né, au rapport de Strabon, à Séleucie, ville de Chaldée située sur le Tigre ; de sa vie, nous ne savons rien, sinon qu’elle fut antérieure à celle d’Hipparque, qui observait à Rhodes en 128 et en 127 ; cette vie de Séleucus avait donc pris fin quand le premier siècle commença.

À son système astronomique, sans doute identique à celui d’Aristarque, Séleucus rattachait une théorie des marées qu’il opposait à celle de Cratès, qui fut le maître de Zénon. Voici, en effet, ce que dit un texte de Jean de Damas[3] :

  1. Plutarque, De facie in orbe Lunæ, § 6. Cf. Diogène de Laërte, De vitisis philosophorum lib. VII, cap. 174.
  2. Plutarque, Platonicœ quœstiones, quæst. VIII.
  3. Publié dans : Stobaei Florilegium, éd. Meineke, t. IV, p. 245. Le même texte, avec omission du nom de Cratès et quelques variantes, se trouve dans : Pseudo-Plutarque, De placitis philosophorum lib. III, cap, 17.