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LES ASTRONOMIES HÉLIOCENTRIQUES


saque, qu’Aristarque fut au nombre des disciples de ce philosophe. Or, c’est vers 284 que Straton succéda, à la direction du Lycée, à Théophraste, qui avait lui-même succédé à Aristote. Straton demeura à la tête du Lycée jusqu’en 266. D’autre part, Ptolémée, dans sa Syntaxe mathématique ; rapporte[1] une observation de solstice d’été qui fut faite par Aristarque en l’année 280.

Des écrits d’Aristarque, un seul nous reste ; c’est le précieux traité Sur la grandeur du Soleil et de la Lune dont il sera question plus loin[2]. La forme géométrique parfaite qu’ont revêtue les raisonnements exposés dans ce traité fait, de l’auteur, un digne émule d’Euclide et d’Archimède. Du livre où Aristarque exposait le système du Monde dont nous allons parler, il ne nous reste rien, pas même le titre

En revanche, de nombreux témoignages nous indiquent d’une manière très certaine et très claire, bien que trop sommaire, quel était ce système ; parmi ces témoignages, il en est un dont la compétence et l’autorité sont d’une particulière gravité ; c’est celui d’Archimède ; commençons donc par l’analyse de ce témoignage ; aussi bien est-il le plus ancien.

Ce témoignage se trouve au curieux écrit qu’Archimède a intitulé Ψαμμίτης, titre que l’on a traduit en français par ce mot : L’arénaire. Voici comment débute ce traité[3] :

« Certains pensent, ô roi Gélon, que la multitude des grains de sable est infinie ; je ne parle pas seulement du sable qui se trouve au voisinage de Syracuse et dans toute la Sicile, mais de celui qui est contenu dans tous les pays tant habitables qu’inhabitables. D’autres pensent que cette multitude n’est pas infinie, mais qu’il n’est pas possible d’exprimer un nombre qui surpasse cette multitude. »

En effet, la représentation d’un nombre suffisamment grand pouvait apparaître aux Grecs comme une impossibilité ; notre numération décimale nous permet, par des combinaisons régulières effectuées au moyen de dix chiffres, de représenter des nombres aussi grands qu’il nous plaît ; la numération des Grecs ne leur offrait rien d’analogue ; le nombre des signes divers à employer croissait au delà de toute limite en même temps que la grandeur du nombre à représenter.

Archimède avait imaginé un système de numération plus compliqué que le nôtre, mais partageant l’avantage essentiel de

  1. Syntaxe mathématique de Claude Ptolémée, livre III, ch. II (éd, Halma, vol. I, pp. 162-163 ; éd, Heiberg, pars I, pp. 206-207).
  2. V. Chapitre IX, § III.
  3. Archimedis Opera omnia cum commentariis Eutoch, iterum edidit J. L. Heiberg ; volumen II, Lipsiæ, MDCCCCXIII pp. 216-217.