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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE


les planètes est évidemment la raison de l’explication des amomalies planétaires, l’a conduit à l’adoption d’une Cosmologie héliocentrique. Elle nous révèle, d’ailleurs, certaines influences qui ont dû le seconder en ce passage ; elle nous montre que l’astronome du Pont acceptait avec complaisance certains des dogmes pythagoriciens ; l’exemple de la doctrine astronomique de Philolaüs a pu l’aider en l’élaboration de sa propre doctrine ; celle-ci, en effet, ne diffère de celle-là que par la substitution du Soleil à cette Ἑστία longtemps hypothétique et devenue clairement inadmissible, et par la suppression de la non moins inadmissible Anti-terre.


V
LE SYSTÈME HÉLIOCENTRIQUE D’ARISTARQUE DE SAMOS.

Les ingénieuses inductions de G. Schiaparelli nous ont fait retrouver, dans Héraclide le Paradoxologue, un novateur aussi audacieux qu’heureux ; au temps même d’Aristote, il posait les hypothèses essentielles du système astronomique de Copernic. L’importance saisissante d’une telle conclusion serait peut-être de nature à inspirer en quelques esprits une certaine méfiance à l’égard des raisonnements qui l’ont fournie ; elle pourrait leur faire craindre que ces raisonnements n’eussent été trop fortement sollicités par le désir de trouver, dans l’Antiquité grecque, un précurseur au grand réformateur du XVIe siècle.

Ces craintes seraient mal fondées ; qu’au temps d’Aristote, le système héliocentrique, auquel le nom de Copernic devait être plus tard attaché, ait déjà compté des partisans, cela n’a rien que de très vraisemblable. Un demi-siècle au plus après la mort d’Aristote, en effet, le même système était soutenu, les documents les plus autorisés nous l’affirment, par un astronome de grand talent ; et cet astronome a eu la gloire d’être non seulement le précurseur, mais encore l’inspirateur de Copernic, qui a connu sa tentative et s’en est autorisé. Cet astronome est Aristarque de Samos[1].

Aristarque de Samos florissait vers l’an 280 avant notre ère, après Euclide, donc, et avant Archimède. Nous savons, en effet, par ce que Diogène de Laërte écrit sur la vie de Straton de Lamp-

  1. Sur Aristarque de Samos, l’ouvrage fondamental est : Sir Thomas Heath. Aristarchus of Samos, the Ancient Copernicus ; Oxford, 1913. — Voir aussi : J. Thirion, S. J., Aristarque de Samos, à propos d’un livre récent (Revue des Questions Scientifiques, juillet 1913).