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LES ASTRONOMIES HÉLIOCENTRIQUES


cette interprétation. Le texte de Posidonius donne les hypothèses du repos du Soleil et du mouvement de la Terre comme destinées à sauver les anomalies apparentes des planètes. Or, le système combiné par Héraclide pour sauver l’anomalie de Vénus et, vraisemblablement, les anomalies des autres astres errants, ne suppose ni ce repos ni ce mouvement ; il est compatible avec l’immobilité absolue de la Terre. Pour expliquer les rapprochements que fait la phrase d’Héraclide rapportée par Posidonius, il faut bien admettre, cependant, que le Paradoxologue établissait un certain lien entre le procédé qui lui servait à sauver l’anomalie planétaire et les hypothèses du mouvement de la Terre et du repos du Soleil.

On peut, croyons-nous, deviner sans peine quel était ce lien et, qui plus est, prouver que le philosophe du Pont en reconnaissait la solidité.

Pour sauver les anomalies apparentes, Héraclide avait fait circuler les cinq planètes autour du Soleil ; il était, alors, tout naturellement conduit à attribuer le même mouvement à la Terre, car il regardait la Terre comme une planète.

L’assimilation de la Terre à une planète était, au temps d’Héraclide, une des opinions soutenues par les Pythagoriciens de la Grande Grèce, par ceux qui, à la suite de Philolaüs, faisaient tourner la Terre autour du foyer central ; lorsqu’il expose leur doctrine aussi bien que lorsqu’il la réfute, Aristote les désigne[1] comme ceux « qui font, de la Terre, un des astres ». Héraclide pouvait donc, sans se singulariser, mettre la Terre au nombre des astres errants.

Stobée nous apprend[2], d’ailleurs, que le Paradoxologue partageait entièrement, à ce sujet, les convictions des philosophes d’Italie : « Héraclide et les Pythagoriciens », dit-il, « prétendent que chacun des astres forme un monde, que l’air y entoure une terre, et que le tout se trouve au sein de l’éther illimité. Les mêmes croyances sont rapportées dans les Hymnes Orphiques, car ils font un monde de chacun des astres ».

Cette assimilation s’étendait également à la Lune, car le même Stobée nous dit[3] : « Héraclide et Ocellus font de la Lune une terre entourée de nuages ».

Cette analogie admise par Héraclide entre la Terre, la Lune et

  1. Aristote, De Cœlo lib. II, capp. XIII et XIV (Aristotelis Opera, éd. Didot, t. II, p. 403 et p. 407 ; éd. Bekker, vol. I, p. 293, col. a, et p. 296, col. a).
  2. Stobée, Eclogarum physicarum lib. I, cap. XXIV ; éd. Meineke, p. 140.
  3. Stobée, Op. laud. lib. I, cap. XXVI ; éd. Meineke, p. 151.