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LES ASTRONOMIES HÉLIOCENTRIQUES


prétations qu’en ont proposées les érudits ne s’accordent nullement entre elles.

Occupons-nous d’abord du texte.

Commentant le second chapitre du second livre des Physiques d’Aristote, Simplicius expose quels sont, selon lui, les rôles respectifs de l’astronome et du physicien ; à l’appui de cette doctrine il invoque une autorité[1] ; cette autorité lui est fournie par un certain passage de l’Abrégé des Μετεωρολογιϰά du stoïcien Posidonius, abrégé composé par un contemporain de Cicéron, le philosophe grec Géminus ; Simplicius, d’ailleurs, ne tire pas directement cette citation à l’Ἕπιτομὴ τῶν Ποσειδωνίου Μετεωρολογιϰῶν ; elle lui est donnée, il nous en avertit, par Alexandre Philopon (d’Aphrodisias).

Géminus donc, ou mieux Posidonius, voulant montrer par un exemple comment l’astronome peut imaginer des hypothèses propres à sauver les apparences, écrit la phrase suivante :

« Διὸ ϰαὶ περελθών τίς φησιν Ἡραϰλείδης ὁ Ποντιϰός, [ἔλεγεν] ὅτι ϰαὶ ϰινουμένης πως τῆς γῆς, τοῦ δὲ ἡλίου μένοντός πως, δύναται ἡ περὶ τὸν ἥλιον φαινομένη ἀνωμαλία σῴζεσθαι. »

Le texte de ce passage, avons-nous dit, n’est pas fixé sans ambiguïté ; les divergences portent sur le mot ἔλεγεν que nous avons placé entre crochets ; ce mot se trouve dans la célèbre édition Aldine, donnée à Venise en 1526 ; après examen minutieux des manuscrits, Hermann Diels a estimé que les meilleurs d’entre eux ne portaient pas ce mot, et il l’a biffé dans l’édition qu’il a donnée, en 1882, sous les auspices de l’Académie de Berlin.

Admettons d’abord qu’il faille conserver le mot ἔλεγεν. Les premiers mots de notre texte devront se traduire ainsi :

« C’est pourquoi, dit Héraclide du Pont, quelqu’un, s’étant présenté, disait que… »

La meilleure interprétation que l’on puisse donner d’une telle phrase paraît être celle qu’a proposée Th. H. Martin[2]. Héraclide avait, comme son maître Platon, écrit des dialogues ; Diogène de Laërte nous l’affirme. La phrase citée par Posidonius serait

  1. Simplicii Commentarii in octo Aristotelis physicæ auscultationis libros cum ipso Aristotelis textu. In fine : Venetiis in Aedibus Aldi, et Andreæ Asulani Soceri Mensæ (sic) Octobri MDXXVI ; foll. 64 v. et 65 r. — Simplicii In Aristotelis physicorum libros quatuor priores commentaria. Edidit Hermannus Diels, Berolini, 1882, pp. 291-292.
  2. Th. H. Martin, Mémoires sur l’histoire des hypothèses astronomiques chez les Grecs et chez les Romains. Première partie, Ch. V, § 4 ; Autres hypothèses d’Héraclide, préparant les progrès ultérieurs des systèmes astronomiques (Mémoires de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, t. XXX, 2e partie. 1881).