Page:Duhem - Le Système du Monde, tome I.djvu/413

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
405
LES ASTRONOMIES HÉLIOCENTRIQUES

Et d’abord, Héraclide doit être rangé, sans contestation possible, au nombre de ceux qui expliquaient le mouvement diurne en maintenant immobile le ciel des étoiles fixes et en attribuant à la Terre, autour de l’axe du Monde, une rotation uniforme d’occident en orient. Les textes abondent, qui mettent cette opinion au compte du Paradoxologue.

Nous avons déjà vu, au Chapitre I[1], que le Pseudo-Plutarque auquel est attribué le De placitis philosophorum, qu’Eusèbe, en sa Préparation évangélique, associaient le nom d’Héraclide du Pont à celui d’Ecphantus le Pythagoricien ; ils attribuaient à ces deux auteurs l’hypothèse qui, par la rotation de la Terre, explique le mouvement diurne des étoiles.

D’autres témoignages, plus autorisés, se joignent à ceux que nous venons de rappeler.

Voici d’abord le témoignage de Proclus : « Héraclide du Pont », dit Proclus en son Commentaire au Timée de Platon[2], « professe l’opinion que la Terre se meut d’un mouvement circulaire ; Platon, au contraire, la suppose immobile. »

Simplicius, et un scholiaste anonyme d’Aristote qui puise aux mêmes sources que Simplicius, produisent (et Simplicius le fait à deux reprises) la même affirmation que Proclus ; « Héraclide du Pont », disent-ils[3], « pensait qu’on peut sauver les apparences (σῴζειν τὰ φαινόμενα) en maintenant le Ciel fixe et en donnant à la Terre, placée au centre [du Monde], un mouvement de rotation ».

Ailleurs, Simplicius s’exprime d’une manière plus explicite[4] ; il fait allusion aux auteurs, « tels qu’Héraclide du Pont et Aristarque, qui croient possible de sauver les apparences en maintenant immobiles le Ciel et les astres et en faisant tourner la Terre d’occident en orient autour des pôles de l’équateur, et cela de telle manière qu’elle fasse chaque jour à peu près un tour (ϰινουμένης ἑϰάστης ἡμέρας μίαν ἔγγιστα περιστροφήν). Ils ajoutent le mot à peu près (ἔγγιστα », poursuit Simplicius, « en raison du mouvement propre du Soleil, qui est d’un degré par jour ». Ainsi Héraclide, et Aristarque après lui, avaient reconnu la nécessité de distinguer le

  1. Vide supra, ch. I, § IV, pp. 24-25.
  2. Procli Diadochi In Platonis Timæum Commentarii. Edidit Ernestus Diehl. Vol III, Lipsiæ, MCMVI, p. 138.
  3. Simplicii Aristotetis libros de Cœlo commenturii ; in lib. II cap. XIII ; éd. Karsten, p. 232, col. a ; éd. Heiberg, p 519. — In lib. II cap. XIV ; éd. Karsten, p. 242, col. a : éd. Heiberg, p. 541. — Scholia in Aristotelem. Collegit C. A. Brandis, Berolini, 1836, p. 505, col. b.
  4. Simplicii Op. laud. ; in lib. II cap. VII : éd. Karsten, p. 200, col. b : éd. Heiberg p. 444.