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LES ASTRONOMIES HÉLIOCENTRIQUES


parler, c’est le fait que certains astres tantôt nous sont voisins et, tantôt, s’éloignent de nous.

» Et pour quelques-uns d’entre eux, ce fait est manifeste à la simple vue.

» En effet, l’astre qu’on nomme étoile de Vénus et celui qu’on appelle étoile de Mars se montrent beaucoup plus grands lorsqu’ils sont au milieu de leur marche rétrograde, à tel point, que, dans les nuits sans lune, l’étoile de Vénus oblige les corps à porter ombre.

» Au sujet de la Lune, il est également manifeste à la simple vue qu’elle n’est pas toujours également distante de nous, car elle ne nous paraît pas toujours de même grandeur, si nous prenons soin de la comparer à des objets invariables, toujours les mêmes.

» D’ailleurs, ceux qui observent à l’aide d’instruments tombent d’accord de la même vérité ; car, à la même distance de l’observateur, il faut placer tantôt un disque de onze doigts, tantôt un disque de douze doigts, interceptant la vue de cet observateur, pour que le regard de celui-ci ne rencontre plus la Lune.

» En outre de ces preuves, les faits qui accompagnent les éclipses totales [c’est-à-dire centrales] du Soleil témoignent en faveur de la proposition que nous avons avancée et fournissent une confirmation de la vérité de cette proposition. En effet, lorsque le centre du Soleil, le centre de la Lune et notre propre œil se trouvent sur une même ligne droite, les effets qui accompagnent cette circonstance ne se montrent pas toujours de semblable apparence ; dans certains cas, le Soleil se trouve tout entier compris dans le cône qui a notre œil pour sommet et qui est circonscrit à la Lune, en sorte qu’il demeure un certain temps caché à notre vue ; en d’autres cas, il s’en faut de quelque chose [qu’il puisse être en entier compris dans ce même cône], en sorte qu’au milieu de la durée de l’éclipse, une partie du Soleil se laisse voir sous forme d’un anneau circulaire entourant la Lune .

» Or, si la grandeur de tous ces corps nous manifeste une telle variation, c’est nécessairement pour la raison qui fait paraître plus [ou moins] grand, dans l’air, un corps que l’on place à des distances différentes.

» Ce qui a lieu pour ces astres-là est manifeste même à la vue ; mais il est vraisemblable que la même chose a lieu pour les autres, bien que cela ne soit pas manifeste à la vue ; et non seulement cela est vraisemblable, mais cela est véritable, car le mouvement de ces astres paraît, chaque jour, se produire avec une vitesse différente ; dans leur grandeur apparente, il ne se rencontre