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LA DYNAMIQUE DES HELLÈNES APRÈS ARISTOTE


d’en frapper le bois pour le couper ? Ce qui frappe est, cependant, beaucoup moins lourd que ce qui était posé sur le bois et le pressait. »

C’est, dit l’auteur, « qu’un grave en mouvement reçoit mieux le mouvement de la pesanteur qu’un grave en repos. Le grave, donc, qui est simplement posé n’est mû que par le mouvement de son poids ; le grave en mouvement est mû de ce mouvement-là et du mouvement donné par celui qui frappe ».

Ce sont là réflexions qu’il serait aisé, assurément, d’interpréter dans le sens d’une Mécanique douée, au moins confusément, de la notion de force vive ; mais il est probable qu’une telle interprétation altérerait l’intention de l’auteur des Questions mécaniques ; c’est par l’ἀντιπερίστασις, nous le savons, que celui-ci expliquait la persistance du mouvement des projectiles : nous devons donc penser que ce mouvement donné par celui qui frappe (τοῦ τύπτοντος ϰίνησσις) se transmet à l’aide de l’air agité, de l’air qui agit ici à titre de corps pesant et augmente le poids de la hache. L’auteur des Questions mécaniques a, sans doute, même opinion que l’auteur du Περὶ Οὐρανοῦ ; l’idée de l’un comme l’idée de l’autre prépare la théorie du Liber de ponderibus au sujet de la chute accélérée des graves.


Nous avons exposé, d’une manière à peu près complète, ce que l’on sait de la Dynamique des Hellènes,

Au sujet de la chute accélérée des graves, la vérité n’était aucunement apparue aux philosophes grecs. Leur raison était trop fermement et trop unanimement convaincue qu’une force a pour mesure la vitesse du mouvement qu’elle produit pour qu’ils puissent, le moins du monde, soupçonner cet axiome de la Mécanique moderne : Une force constante produit un mouvement uniformément accélérée.

Au sujet des deux autres problèmes qui les ont préoccupés, du mouvement des corps dans le vide et du mouvement des projectiles, ils ne sont pas demeurés dans une ignorance aussi complète.

Sans doute, la Physique péripatéticienne qui, en d’autres circonstances, a eu de si pénétrantes et si prophétiques intuitions, s’est égarée, ici, dans des erreurs grossières. Nulle part les méprises qui viciaient certains de ses principes n’ont produit de conséquences plus contraires aux enseignements de l’expérience. Nulle part, non plus, elle n’exercera une plus durable et plus pernicieuse influence ; le joug de la Dynamique aristotélicienne est un