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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE


ce mot ne soit une déformation du mot charistion, χαριστίων, par lesquels les Grecs désignaient la balance romaine ; Charistion, Χαριστίων paraît être le nom d’un personnage qui aurait perfectionné l’usage ou la théorie de la balance romaine ; par un phénomène dont l’histoire des arts mécaniques offre une foule d’exemples, le nom du mécanicien aurait été donné à l’instrument. Cet auteur serait peut-être celui auquel Philon de Byzance dédiait tous ses écrits, et que les traducteurs arabes ont appelé Ariston, Fariston, Mariston etc.

Le Moyen-Âge chrétien a connu deux ouvrages inspirés par les Elementa Jordani super demonstrationem ponderis. L’un[1] est un commentaire, sans aucune valeur mécanique, dont nous ne parlerons pas ici. L’autre[2] est un traité dont l’importance est extrême dans l’histoire de la Statique. Écrit avec le souci d’éviter ou de corriger les erreurs commises par Jordanus de Nemore, il démontre, à l’aide du principe des déplacements virtuels, la loi d’équilibre du levier coudé et la loi d’équilibre d’un poids sur un plan incliné.

Cet écrit est souvent intitulé Tractatus ou Liber Jordani de ponderibus, ou encore Liber Jordani de ratione ponderis. En général, il forme la première partie d’un traité qui en comprend quatre. Au xvie siècle, Nicolò Tartaglia possédait un exemplaire manuscrit de ce traité en quatre parties ; il l’avait impudemment plagié dans ses écrits sur la Statique. Après la mort de Tartaglia, ce manuscrit, trouvé dans ses papiers, fut publié, sous une forme presque incompréhensible d’ailleurs, et sous le nom de Jordanus, par Curtius Trojanus[3].

Or, tandis que la première partie de cet ouvrage[4] est sûrement postérieure à Jordanus de Nemore, les trois dernières parties sont, très certainement, un écrit d’origine grecque qui semble avoir passé au Latin par l’intermédiaire de l’Arabe. Les lettres que portent les figures ou qu’emploient les démonstrations se suivent, en général, dans l’ordre caractéristique

A, B, C, D, E, Z, H, T.

La première partie ne présente rien d’analogue.

  1. P. Duhem, Les origines de la Statique, t. I, pp. 128-134.
  2. P. Duhem, Les origines de la Statique, t. I, pp. 134-147.
  3. Jordani Opusculum de ponderositate, Nicolai Tahtaleæ studio corrects, novisque figuris auctum. Venetiis, apud Curtium Trojanum, MDLXV.
  4. P. Duhem, La Scientia de ponderibus et Léonard de Vinci (Études sur Léonard de Vinci, ceux qu’il a lus et ceux qui l’ont lu. Première série, 1906, pp. 312-316).