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LA DYNAMIQUE DES HELLÈNES APRÈS ARISTOTE


Lampsaque se trouve exposée d’une manière précise dans un traité d’origine grecque ; ce traité est un des ouvrages que le Moyen-Âge chrétien attribuait soit collectivement aux Auctores de ponderibus, soit, en particulier, à Jordanus de Nemore. Comme nous aurons, à plusieurs reprises, à citer ce travail, rappelons sommairement ici ce que nous en avons établi ailleurs.

Parmi les ouvrages de Statique attribués à Jordanus de Nemore, il en est un qui est sûrement l’œuvre authentique de cet auteur[1]. C’est un très bref petit traité, que forme une suite de treize propositions. Le titre de ce traité est : Elementa Jordani super demonstrationem ponderis. L’authenticité en est établie par cette remarque : À deux reprises, l’auteur, citant des propositions de Géométrie, déclare les avoir démontrées dans un ouvrage qu’il appelle le Philotechnes[2] : « Sicut declaravimus in Filotegni. » Or ces deux propositions se lisent précisément au traité De triangulis dont Jordanus est l’auteur incontesté.

Dans ce petit ouvrage, à côté de beaucoup d’erreurs, se trouve, pour la première fois, l’exacte application, au problème de l’équilibre du levier droit, du principe des déplacements virtuels.

La justification de cette loi d’équilibre est évidemment l’objet de cet écrit. Il paraît avoir été composé pour servir d’introduction à un petit traité sur la balance romaine qui, fort souvent, lui est rattaché, et que l’on trouve aussi isolé.

Lorsqu’il est isolé, ce petit traité est intitulé De canonio[3]. L’ordre dans lequel se succèdent les lettres qu’emploient les démonstrations est le suivant ;

A, B, G, D, E, Z, I, T.

Il reproduit l’ordre de l’alphabet grec : α, β, γ, δ, ε, ζ, η, θ. Selon Hultsch, c’est une marque indéniable de l’origine grecque de ce traité. De ce même traité, nous avons, d’ailleurs, un commentaire, écrit en arabe par le sabian Thâbit ben Kourrah.

Le commentaire de Thâbit ben Kourrah fut, comme le traité De canonio, très connu du Moyen-Âge chrétien, car au xiie siècle, Gérard de Crémone le traduisit en latin sous le titre : Liber Carastonis. Carasto est le nom que Thâbit donne, à la fois, à la balance romaine et à l’auteur du traité ; il n’est pas douteux que

  1. P. Duhem, Les origines de la Statique, t. I, pp. 99-108, et pp 112-113.
  2. P. Duhem, Un ouvrage perdu de Jordanus de Nemore : le Philotechnes (Bibliotheca mathematica, 3te Folge, Bd. V, p. 321 ; 1905). À propos du Φιλοτέχνης de Jordanus de Nemore (Archiv für die Geschichte der Naturwissenschaften und der Technik. Bd. I, p. 88, 1909).
  3. P. Duhem, Les Origines de la Statique, t. I, pp. 98-97.