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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE


nous venons de rapporter, on verra qu’il n’en est aucun dont ne puisse user un partisan de l’ἀντιπερίστασις.

En résumé, donc, hors le commentaire de Jean Philopon à la Physique d’Aristote, nous ne possédons aucun texte où l’attribution du mouvement des projectiles à l’air ambiant soit formellement rejetée.


VII
LA CHUTE ACCÉLÉRÉE DES GRAVES

Lorsqu’un corps pesant tombe librement, la vitesse de sa chute croît d’un instant à l’autre. Ce fait a été sûrement connu dès la plus haute antiquité ; Aristote en fait mention, à plusieurs reprises, comme d’une vérité communément admise. « Toujours, dit-il[1], le mobile qui tend vers le lieu de son repos semble se mouvoir d’un mouvement accéléré ; au contraire, le corps qui se meut de mouvement violent ralentit sa course. — Ἀλλὰ τὸ μὲν ἱστάμενον ἀεὶ δοϰεῖ φέρεσθαι θᾶττον, τὸ δὲ βίᾳ τοὐναντίον

Comment cette accélération qui affecte la chute des graves a-t-elle pu être constatée ? Simplicius cite[2] deux observations propres à la mettre en évidence :

Lorsqu’un filet d’eau tombe d’un lieu élevé, d’une gouttière par exemple, il se montre continu au voisinage de son origine ; mais, bientôt, l’accélération de la chute sépare les unes des autres les gouttes d’eau qui tombent à terre isolées.

Quand une pierre tombe d’un lieu élevé, elle frappe l’obstacle plus violemment si on l’arrête vers la fin de sa chute qu’au milieu ou au commencement ; ce choc plus violent est la marque d’une plus grande vitesse.

Simplicius emprunte ces observations à un écrit intitulé : Du mouvement, Περὶ ϰινήσεως, composé par Straton de Lampsaque. Mais il est clair qu’elles ont pu être faites de tout temps et qu’il serait puéril d’en chercher le premier auteur.

La première des deux observations rapportées par Straton de

  1. Aristote, Physique, livre V, ch. VI (Aristotelis Opera, éd. Didot, vol. II, p. 317 ; éd. Bekker, vol. I p. 230, col. b). — Cf. Aristote, Physique, livre VIII, ch. IX (Éd. Didot, vol. II, p. 363 ; éd. Bekker, vol. I, p. 265, col. b) ; De Cœlo lib. I, cap. VIII (Éd. Didot, vol. II, p. 380 ; éd. Bekker, vol. I, p. 277, col. a).
  2. Simplicii In Aristotelis physicorum libros quattuor posteriores commentaria, Edidit Hermannus Diels : lib. V, cap. VI, p. 916.