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LA DYNAMIQUE DES HELLÈNES APRÈS ARISTOTE


tote demande[1] pourquoi les projectiles larges ne tardent pas à s’arrêter. « N’est-ce pas, répond-elle, parce que la force (ἰσχύς) prend fin, ou bien à cause de la rotation, ou bien parce que le poids du mobile finit par devenir plus puissant que la force projetante (ἰσχύς ῥιψάτα) ? » L’expression employée ici est la même que celle dont Hipparque fait usage. Or, cette question se termine par la réflexion que voici : « N’est-il pas absurde de disputer à ce sujet en laissant de côté le principe » qui peut seul résoudre le problème ? Quel est donc ce principe ? C’est ce que dit, tout aussitôt, la trente-quatrième question[2]. Celle-ci nous apprend que le mouvement des projectiles est maintenu par l’ἀντιπερίστασις et que le projectile s’arrête lorsqu’en ce mouvement cyclique, un moteur n’est plus assez puissant pour communiquer au mobile suivant la force de mouvoir à son tour. Un partisan de l’ἀντιπερίστασις peut donc parler de force projetante, d’ἰσχύς ῥιψάτα ; sans renoncer à sa Physique, il peut tenir le même langage qu’Hipparque.

On en doit, sans doute, dire autant, de certains passages des Questions mécaniques que l’on croirait, au premier abord, inspirés par la Dynamique de Jean Philopon.

Ainsi la trente-deuxième question demande[3] pourquoi il est plus facile de tirer un corps dans une certaine direction lorsqu’il se meut déjà dans ce sens que lorsqu’il est au repos ; pourquoi, d’autre part, le mouvement du corps rend plus difficile la traction en sens contraire.

À la première demande, l’auteur répond que « le corps déjà en mouvement dans la même direction fait quelque chose de semblable à ce que fait le moteur qui l’entraîne (τῳ ὠθοῦντι ὅμοιον ποιεῖ) ; il se comporte comme si quelqu’un accroissait la puissance et la vitesse du moteur (ὥσπερ ἂν εἰ αὐξὴσειέ τις τὴν τοῦ ϰινοῦντος δύναμιν ϰαὶ ταχύτητα). »

Évidemment, on peut interpréter tout cela dans le sens de la Dynamique de Philopon ; si le corps en mouvement dans une certaine direction fait la même chose que ce que fait le moteur qui le pousse en ce sens, c’est, peut-on dire, parce qu’il possède en lui-même une certaine ϰινητιϰὴ δύναμις par laquelle son mouvement est entretenu. Mais que l’on y prenne garde ; cette interprétation n’a rien de forcé ; si l’on veut bien peser les termes que

  1. Aristote, Questions mécaniques, 33 [32] (Aristotelis Opera, éd. Didot, t. IV, p. 73 ; éd. Bekker, vol. II, p. 858).
  2. Aristote, Questions mécaniques, 34 [33] (Aristotelis Opera, éd. Didot, t. IV, p. 73 ; éd. Bekker, vol. II, p. 858, col. a),
  3. Aristote, Questions mécaniques, 32 [31] (Aristotelis Opera, éd. Didot, t. IV, pp. 72-73 ; éd, Bekker, vol. II, p, 858, col. a).