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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE


pon ; plus malaisé d’y reconnaître une adhésion à la doctrine péripatéticienne.

Faut-il, comme le croit M. Haas[1], attribuer plus de portée à une opinion qu’Hipparque tenait en son écrit : Sur la chute des corps pesants, Περὶ τῶν διὰ βαρύτητα ϰὰτω φερομένων ? Voici cette opinion, que Simplicius nous a conservée[2] :

« Dans la projection d’un corps au dessus du sol, la cause du déplacement vers le haut, c’est la force qui projette vers le haut (ἀναρρίψασα ἰσχύς) jusqu’à ce que la puissance du projectile : (τοῦ ῥιπτομένου δύναμις) prenne de la vigueur ; plus cette force projetante a de vigueur, plus vite est l’ascension du mobile ; mais, comme elle va en diminuant, il arrive, d’abord, que le mobile ne monte pas avec une vitesse uniforme (ἐν ὁμοίῳ τάχει ) ; puis, il advient que le mobile se met à descendre, parce que ce qui subsiste, pour ainsi dire, de la puissance projetante dirigée vers le haut (ἀναπεμψάσα δύναμις) se trouve égalé par la pesanteur propre du mobile ; comme cette puissance devient de plus en plus faible, le corps qui descend se meut toujours de plus en plus vite (ἐξιτήλου δὲ μᾶλλον γινομένης τὸ ϰαταφερόμενον ἀεὶ μᾶλλον θᾶττον φέρεσθαι) ; il atteint sa plus grande vitesse lorsque cette puissance, à la fin, l’abandonne (ϰαὶ τάϰιστα ὅταν ἐϰείνη τελέως ἐπιλείπῃ). »

Nous avons cité en entier ce passage d’Hipparque ; au prochain paragraphe, ce sont les premières seules qui l’appellent.

Faut-il voir, en ces phrases, la preuve qu’Hipparque, au lieu d’attribuer à l’agitation du milieu fluide l’entretien du mouvement des projectiles, mettait cet entretien sur le compte d’une puissance imprimée dans la substance même du mobile ?

Qu’Hipparque ait admis l’existence d’une telle puissance, cela est fort possible. Mais il serait très imprudent d’en voir le témoignage assuré dans ce que le grand astronome, au rapport de Simplicius, disait de la chute accélérée des graves. La force qui projette vers le haut, l’ἀναρρίψασα ἰσχύς dont il parle pourrait fort bien être cette traction que, selon la Physique péripatéticienne, l’air ébranlé exerce sur le projectile. En voici une preuve :

La trente-troisième des Questions mécaniques attribuées à Aris-

  1. Arthur E. Haas, Ueber die Originalität der physicalischen Lehren des Johannes Philoponus (Bibliotheca mathematica, 3te Folge, Bd. VI, p. 337, 1906).
  2. Simplicii in Aristotelis de Cœlo commentaria. Edidit J. L. Heiberg, Berolini, MDCCCXCIV ; lib. I, cap. VIII, pp. 264-265.