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LA DYNAMIQUE DES HELLÈNES APRÈS ARISTOTE

VI
LE MOUVEMENT DES PROJECTILES.
JEAN PHILOPON A-T-IL EU DES PRÉCURSEURS ?

La théorie du mouvement des projectiles donnée par Philopon est si parfaitement conforme à l’enseignement du sens commun qu’il serait puéril de dire du Grammairien qu’il l’a inventée. Mais si l’on peut prétendre que cette théorie a été connue de tout homme raisonnable, capable d’observer les faits les plus communs et de réfléchir sur ses observations, il est permis aussi de se demander si Jean d’Alexandrie a été le premier à la formuler explicitement, le premier à l’opposer aux étranges divagations de l’École péripatéticienne.

Pour répondre à cette question, il faudrait connaître tous les écrits où des auteurs, étrangers au Péripatétisme, ont traité de Dynamique. Or, de tels écrits, presque rien ne nous est parvenu.

Parmi les mécaniciens de profession, on acceptait sans doute, sans les discuter, les enseignements du sens commun ; aussi n’éprouvait-on point le besoin de les formuler d’une manière explicite, capable d’exclure toute confusion avec la théorie péripatéticienne ; dès lors, les termes employés étaient si vagues qu’un disciple d’Aristote eût pu les admettre aussi bien qu’un adversaire du Stagirite.

C’est la réflexion qu’inspire un très court passage écrit par Philon de Byzance au quatrième livre de son grand traité de Génie militaire (Βελοποιϊϰῶν λόγος δ′) :

« Je dis[1] que plus vive sera la détente des battants [de l’engin chalcotone], plus loin sera lancé le trait. En effet, plus sera vif le déplacement de la corde archère, plus rapide sera le mouvement qu’elle mettra en activité dans le trait, de sorte que, par la persistance du mouvement, en un temps égal, le trait sera transporté sur un plus long espace — Ἡ γὰρ ὀξυτάτη φορὰ τῆς τοξίτιδος ταχυτάτον ἐνεργάζεται τῷ βέλει ϰίνησιν, ὥστε ἐν ἴσῳ χρόνῳ πλείονα τόπον ἐνεχθῆναι διὰ τὸ συνεχὲς τῆς φορᾶσς. » Il est malaisé de voir en ces quelques lignes une esquisse des idées que déclarera Philo-

  1. Victor Prou, Le chirobaliste d’Héron d’Alexandrie (Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque Nationale, t. XXVI, Deuxième partie, 1877, p. 97).