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LA DYNAMIQUE DES HELLÈNES APRÈS ARISTOTE


les corps qu’ils mettent en mouvement capables de mouvoir à leur tour (τὰ ϰινοῦντα ϰαὶ ϰινεῖν οἷά τε ποιεῖν τὰ ϰινούμενα). Alors, en effet, l’air qui vient occuper le lieu du projectile, met en mouvement ce même projectile et, en même temps, fait qu’il meuve ce qui se trouve devant lui. Il n’est donc pas possible de dissiper les doutes qui ont été élevés au sujet du projectile à moins de supposer qu’un corps mis en mouvement prend, à son tour, au corps qui l’a mû, une puissance motrice (τὸ ϰινούμενον ϰαὶ ϰινητιϰὴν δύναμιν λαμϐάνειν παρὰ τοῦ ϰινοῦντος). »

Si Simplicius montre ici, en dépit de l’enseignement d’Alexandre, une telle indulgence à l’égard de l’hypothèse de l’ἀντιπερίστασις, c’est qu’en une autre circonstance, dans son commentaire au quatrième livre de la Physique, il s’est ouvertement déclaré en faveur de cette hypothèse. « Lorsque le jet a lieu dans un milieu plein, disait-il en cet endroit[1], le projectile est mû parce que l’air qui se trouve devant le projectile, chassé en avant par la pression (ῥύμη τῷ ἀντιπεριίστασθαι) de la machine balistique, se meut de mouvement tourbillonnaire (τῷ ἀντιπεριίστασθαι) ; en effet, comme cet air est plus facile à mouvoir que le projectile, il est chassé en avant : comprimé par la violence qu’il subit, il se retourne en tourbillon (ἀντιπεριίσταμενος) et pousse devant lui le projectile. Comme cela se reproduit continuellement, le mouvement du projectile persiste d’une manière continue jusqu’au moment, qui survient au bout de peu de temps, où la pression (ῥύμη) de l’air mû de mouvement tourbillonnaire se trouve affaiblie au point que le mouvement naturel du projectile la surpasse en force ; alors le projectile tombe. »

Après avoir montré que Platon, au Timée, parle de ce mouvement cyclique, de ce tourbillon qu’Aristote a nommé ἀντιπερίστασις, Simplicius reprend une seconde fois l’explication qu’il vient de donner, afin d’en mieux marquer tous les détails. « Si donc, dit-il[2], le mouvement du projectile persiste d’une manière continue, c’est parce que l’air, chassé, en même temps que le projectile, par la machine balistique, et mû violemment, chasse devant lui ce projectile : comme il est plus facile à mouvoir que le projectile, cet air, tant qu’il garde la puissance qu’il tient de la machine balistique, chasse devant lui le projectile, tandis qu’à son tour l’air qui se trouve derrière celui-là, comprimé par la violence du mouvement et chassé en même temps que celui-là, vient confluer sur le projectile. Il en est ainsi jusqu’au moment, qui survient au

  1. Simplicii In Aristotelis physicorum libros quattuor priores commentaria, Edidit Hermannus Diels. Berolini, MDCCCLXXXII. Lib. IV, cap. VIII, p. 668.
  2. Simplicius, loc. cit., p. 669.