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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE


lui est propre, une οἰϰεία δύναμις, encore que cette puissance n’y réside que pour peu de temps. De cette puissance, Thémistius s’attache à préciser la définition en éloignant toute notion erronée qui chercherait à s’y introduire.

Une comparaison était, sans doute, courante dans les écoles ; Simplicius nous l’a conservée[1] ; cette puissance motrice donnée à l’air par l’instrument balistique, cette ϰινητιϰὴ δύναμις διδομένη, on la comparait à l’aimantation que la pierre magnétique communique à distance au fer, à l’électrisation que l’ambre développe à distance sur le fétu de paille, car cette aimantation, cette électrisation meuvent le fer ou le fétu vers la pierre ou l’ambre.

Thémistius rejette ces assimilations[2] qui lui paraissent inexactes ; la qualité motrice que le fer reçoit lorsqu’il est en présence d’un aimant ne lui appartient pas en propre ; ce n’est point une οἰϰεία δύναμις ; il la perd lorsqu’on éloigne l’aimant ; on ne savait pas alors, en effet, que le fer peut demeurer aimanté en l’absence de la pierre qui lui a donné son aimantation.

Pour faire comprendre ce qu’est cette puissance, Thémistius reprend la comparaison imaginée par Alexandre d’Aphrodisias : « L’air qui se trouve auprès [de la machine balistique] est-il seulement mis en mouvement ? Ne prend-il pas aussi la puissance de mouvoir ? Et, certes, une puissance qui ne soit pas semblable à la qualité que le fer acquiert auprès de la pierre d’aimant, mais une puissance qui soit rendue comme sa chose propre, qui soit faite bien à lui ? De même, je pense, le corps embrasé n’est pas seulement échauffé par le feu. Ne lui prend-il pas, en outre, le pouvoir d’échauffer à son tour, et ce pouvoir, ne le donne-t-il pas sans cesse ? — Ἢ οὐ μόνον ϰινεῖται ὁ πλησίον ἀήρ, ἀλλὰ ϰαὶ δύναμιν τοῦ ϰινεῖν λαμϐάνει ; ϰαὶ ταύτην δὴ οὐχ οἵαν τὸ παρὰ τῆς λίθου σιδήριον, ἀλλ' ὥστε οἰϰείαν ποιῆσαι ϰαὶ ἑαυτοῦ, ὥσπερ οἶμαι ϰαὶ ὑπὸ τοῦ πυρὸς τὸ πύρινον οὐ θερμαίνεται μόνον, ἀλλὰ ϰαὶ δύναμιν οἰϰείαν τοῦ θερμαίνειν λαμϐάνει ϰαὶ ταύτην ἀεὶ δίδωσιν ; »

Simplicius rapporte la condamnation prononcée par Alexandre contre la théorie qui explique le mouvement des projectiles par l’ἀντιπερίστασις ; mais avant de la rapporter, il en atténue l’effet, il ouvre une échappatoire : « L’ἀντιπερίστασις, dit-il[3], n’est qu’un échange de lieux entre les corps ; partant, elle ne contribue en rien au mouvement du projectile, à moins de supposer, comme le dit Aristote lui-même, que les corps qui meuvent rendent aussi

  1. Simplicius, loc. cit., p. 1346.
  2. Thémistius, loc. cit.
  3. Simplicius, loc. cit., p. 1351.