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LA DYNAMIQUE DES HELLÈNES APRÈS ARISTOTE

Voici, d’abord, celui des Questions mécaniques.

Les Questions mécaniques sont-elles d’Aristote ?

Sur l’ordre de Sylla, le philosophe Andronicus de Rhodes dressa la liste de tous les ouvrages que l’on attribuait, de son temps, à Aristote et à Théophraste. La liste des œuvres d’Aristote, dressée par Andronicus, nous a été conservée par divers auteurs[1], par Diogène de Laërte, par Hesychius. Une autre liste, dressée par un philosophe du nom de Ptolémée, nous est parvenue, traduite en Arabe et accompagnée du nom par lequel les Arabes désignaient chacun des ouvrages énumérés. La liste de Diogène de Laërte mentionne[2] : Un livre des Questions mécaniques (Μηχανιϰῶν προϐλημάτων α′). Celle d’Hesychius porte[3] : Μηχανιϰὸν α′. Celle du philosophe Plutarque indique[4] des Questions relatives à l’art et ajoute que les Arabes les nommaient Michabrblimatam. Il est donc très certain qu’Andronicus de Rhodes et Ptolémée mettaient au compte d’Aristote l’ouvrage qui nous est parvenu sous le titre de Μηχανιϰὰ προϐλήματα.

Est-ce une preuve suffisante d’authenticité ? Beaucoup d’érudits le contestent et regardent les Questions mécaniques comme apocryphes. Nous n’avons pas la prétention de trancher ici le débat, de déclarer si ces questions sont ou ne sont pas d’Aristote. Il nous suffira d’observer, ce qui n’est pas douteux, qu’elles sont constamment inspirées par les doctrines que le Stagirite professait en Dynamique, et qu’elles ont vu le jour, au plus tard, au second siècle avant notre ère.

Or ce très ancien document de la Mécanique péripatéticienne tient, au sujet du mouvement des projectiles, un langage analogue à celui d’Aristote, mais plus étrange encore. Le projectile ébranle, à chaque instant, l’air qui l’entoure, et l’air ébranlé, à son tour, pousse le projectile ; c’est par ce continuel échange d’impulsions mutuelles que le projectile ne tombe pas aussitôt qu’il n’est plus au contact de la machine balistique.

« Pourquoi, dit la trente-quatrième question[5], une chose ne se meut-elle pas du mouvement qui est le sien », c’est-à-dire du mouvement que lui donnerait sa gravité ou sa légèreté naturelle, « lorsque ce qui l’a lancée ne l’accompagne plus mais, au con-

  1. Aristotelis Opera. Edidit Academia Régia Borussica. Vol. V, Aristotelis qui ferebantur librorurn fragmenta collegit Valentinus Rose.
  2. Sous le no  123.
  3. Sous le no  114.
  4. Sous le no  18.
  5. Aristote, Questions mécaniques, 34 [33] (Aristotelis Opera, éd. Didot, t. IV, p. 73 ; éd. Bekker, vol. II, p. 858, col. a).