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LA DYNAMIQUE DES HELLÈNES APRÈS ARISTOTE

Semblable illogisme n’a point arrêté Aristote[1] : « Il faut de toute nécessité reconnaître, dit-il, que le premier moteur confère la puissance de mouvoir soit à l’air, soit à l’eau, soit à quelqu’une de ces substances qui sont aptes, par nature, à être, à la fois, moteur et chose mue. — Ἀνάγϰη δὴ τοῦτο μὲν λέγειν, ὅτι τὸ πρῶτον ϰινῆσαν ποιεῖ οἶόν τε ϰινεῖν, ἢ τὸν ἀέρα τοιοῦτον ἢ τὸ ὕδωρ ἤ τι ἄλλο τοιοῦτον ὃ πέφυϰε ϰινεὶν ϰαὶ ϰινεῖσθαι.. »

Ainsi un corps solide, dès l’instant qu’il cesse d’être mû, cesse de se mouvoir lui-même et de mouvoir les autres corps ; il n’en est pas de même si le corps ébranlé est l’air ou quelque autre fluide. « Il ne cesse pas[2] d’être moteur dès là qu’il cesse d’être chose mue ; au moment où le premier moteur cesse de le mouvoir, il cesse d’être chose mue, mais il continue à être moteur, et c’est pourquoi il meut le corps étranger auquel il adhère. — Ἀλλ’ οὐχ ἅμα παύεται ϰινοῦν ϰαὶ ϰινούμενον, ἄλλα ϰινούμενον μὲν ἅμα, ὅταν ὁ ϰινῶν παύσηται ϰινῶν, ϰινοῦν δὲ ἔτι ἐστίν. Διὸ ϰαὶ ϰινεῖταί τι ἄλλου ἐχόμενον. »

Le mouvement de l’air et du projectile ne dure pas sans cesse : il prend fin en trois temps qu’Aristote définit ainsi[3] :

L’air cesse d’abord de mouvoir le corps auquel il est contigu, et cela a lieu « lorsque sa puissance pour mouvoir devient trop faible à l’égard de ce corps contigu (ὅταν ἐλάττων ἡ δύναμις τοῦ ϰινεῖν ἐγγένηται τῷ ἐχωμένῳ) ».

L’air cesse ensuite de mettre en mouvement l’air qui se trouve devant lui, bien qu’il soit lui-même en mouvement ; cela arrive « lorsque l’air précédemment ébranlé ne le fait plus moteur, mais seulement chose mue (ὅταν μηϰέτι ποιήσῃ τὸ πρότερον ϰινοῦν, ἀλλὰ ϰινούμενον μόνον). »

Enfin, cet air cesse nécessairement de jouer ces deux rôles, le rôle de chose mue aussi bien que le rôle de moteur, et tout mouvement prend fin : « Ταῦτα δ’ ἀνάγϰη ἅμα παύεσθαι, τὸ μὲν ϰινοῦν τὸ δὲ ϰινούμενον, ϰαὶ τὴν ὅλην ϰίνησιν ».

Qu’est-ce que cette ἀντιπερίστασις qu’Aristote, au quatrième livre de sa Physique, a mentionné au nombre des explications possibles du mouvement des projectiles ? Simplicius va nous en donner la définition précise.

« Il y a ἀντιπερίστασις, nous dit ce commentateur[4], lorsqu’entre

  1. Aristote, Physique, livre VIII ch. X (Aristotelis Opera, éd. Didot, t. II, p. 365 ; éd. Bekker, vol. I, p. 267, col. a).
  2. Aristote, loc. cit.
  3. Aristote, loc. cit.
  4. Simplicii In Aristotelis physicorum libros quattuor posteriores commentaria. Edidit Hermannus Diels. Berolini, MDCCCXCV. Lib. VIII, cap. X. p. 1350.