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LA DYNAMIQUE DES HELLÈNES APRÈS ARISTOTE


l’argument d’Aristote ; après avoir rapporté les éloges qu’Alexandre d’Aphrodisias décerne à cet argument, ruineux pour la théorie de Leucippe, de Démocrite et d’Épicure, l’élève de Damascius poursuit en ces termes[1] :

« À celui qui entend cela il serait, me semble-t-il, bien aisé de dire : Si, toutefois, c’est le poids (ῥοπή) qui est cause du mouvement des corps, et le plus grand poids qui fait le mouvement plus rapide, pourquoi les corps ne se mouvraient-ils pas dans le vide ? Qu’il y ait un milieu à diviser, et que cette division soit plus ou moins facile, il en résulte que le mouvement, devient plus rapide ou plus lent ; mais ce n’est pas là ce qui cause le poids ; le fait que le milieu est ou non facile à diviser ajoute quelque chose à la différence des poids naturels, étant donné que cette différence existe ; de même, en effet, que les autres qualités homogènes sont plus grandes en de plus grands corps, ainsi en doit-il être du poids ; d’une manière générale, c’est le poids qui est la cause de la division du milieu, bien plutôt que la division du milieu n’est la cause du poids, et cela aussi bien là où le milieu oppose une certaine résistance que là où il n’en oppose point. »

En ces propos, nous reconnaissons très aisément l’écho des paroles de Philopon ; mais si nous n’avions pas entendu ces paroles, il nous serait bien difficile de saisir exactement ce que Simplicius nous veut signifier ; ce commentateur qui, en général, rapporte si clairement et si exactement les théories qu’il a dessein de discuter, s’est borné ici à de brèves et obscures indications.

Bien qu’il fasse une évidente allusion à l’enseignement de Philopon, Simplicius ne nomme pas cet auteur ; il ne cite guère le Grammairien que pour le combattre. Il ne faudrait pas toutefois, en la circonstance présente, prendre occasion du silence de Simplicius pour l’accuser d’injustice à l’égard de Jean d’Alexandrie. Cette théorie qu’il indique sommairement, il était sans doute en droit de la considérer comme une façon de penser très ancienne, que Jean Philopon avait exactement et complètement exposée, mais dont il n’était pas l’inventeur. À côté des Péripatéticiens, au gré desquels des corps de masse (βάρος) différente tombent, dans l’air, avec des vitesses différentes par cela seul qu’ils divisent le milieu avec plus ou moins de facilité, il se trouvait, dès le second siècle avant Jésus-Christ, des mécaniciens pour soutenir que la diversité de ces chutes provient de ce qu’un poids-force (ῥοπή)

  1. Simplicii In Aristotelis physicorum libros quattuor priores commentaria. Edidit Hermannus Diels. Berolini, MDCCCLXXXII, Lib. IV, cap. VIII, pp. 679-680.