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LA DYNAMIQUE DES HELLÈNES APRÈS ARISTOTE


autre, forcément la chute sera, elle aussi, différente, et point pour une autre raison que cette pesanteur différente.

» Le poids n’est pas, en effet, du nombre des choses qui sont relatives à quelque autre chose. Nous en dirons autant de la légèreté. »

Chaque corps prendrait donc, dans le vide, un mouvement de chute ou d’ascension caractéristique de son poids ou de sa légèreté. Que va-t-il advenir si le corps se meut dans un milieu plein ?

« Si un certain temps[1] est, par chaque poids pris en lui-même, requis pour accomplir son mouvement, il n’arrivera nullement, cependant, qu’un seul et même poids, en un même temps, parcourre le même espace, que eet espace soit plein ou qu’il soit vide… Un certain temps se trouvera consommé par le milieu résistant. La pression de ce milieu et, aussi, la division qu’il y faut pratiquer rendent, en effet, le milieu plus difficile à mouvoir… Mais des exemples rendront le raisonnement plus facile à comprendre. Supposons que le mobile soit une pierre, que cette pierre parcourre un espace d’un stade dans le vide, et que le temps nécessairement employé par le mobile pour franchir ce stade soit une heure. Si nous concevons maintenant que ce même espace d’un stade soit plein d’eau, la pierre ne parcourra plus ce stade en une heure, mais, à ce temps, un certain autre temps sera ajouté par le milieu résistant. Supposons que la division de l’eau requière une autre heure. Ce même corps qui, dans le vide, employait une heure à son mouvement, dans l’eau en emploiera deux. Que l’eau soit ensuite subtilisée et devienne de l’air ; si l’air est deux fois plus subtil que l’eau, le temps qui était employé à diviser l’eau sera amoindri dans le même rapport ; or ce temps était une heure ; [il ne sera plus qu’une demi-heure], et le mobile parcourra, dans l’air, le même chemin en une heure et demie. Que l’air soit rendu encore deux fois plus subtil ; le mouvement s’accomplira, en une heure et quart. Si la subtilité du corps [qui remplit l’espace à franchir], est accrue à l’infini, il en résultera une diminution à l’infini du temps qui est employé à diviser le milieu, j’entends par là l’heure unique [qui a été ajoutée] ; mais jamais cette heure ne sera épuisée, car le temps est divisible à l’infini ; puis donc qu’en raréfiant, le milieu, on n’épuise jamais le temps, puisque toujours, au mouvement accompli au travers de ce milieu, s’ajoute une partie de l’autre heure, partie inversement pro-

  1. Joannis Philoponi Op. laud., éd. 1542, fol. 31, coll. a et b. ; éd. 1581, p. 204, col. a ; éd. 1888, pp. 681-682.