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LES THÉORIES DU TEMPS, DU LIEU ET DU VIDE APRÈS ARISTOTE


corps puisse céder à un autre corps. Lorsqu’un corps en mouvement vient occuper une nouvelle position, son ancienne position cesse purement et simplement d’exister ; de même, si un corps passe du noir au blanc, à l’instant où il est devenu blanc, sa noirceur a purement et simplement cessé d’être ; elle n’a point persisté pour devenir la noirceur d’un autre corps.

Je me meus dans l’air ; il ne faut pas croire qu’une partie de l’air va abandonner la place qu’elle occupait et que je vais prendre la place délaissée par cette masse d’air. « Les lieux[1] ne se conservent pas pour être occupés successivement par moi, durant mes déplacements, lorsque je pars d’ici pour aller là. Ce qui subsiste, c’est la totalité du milieu ambiant. Dans le lieu actuel de cet air, il est une partie dont la mesure géométrique est capable de devenir ma mesure en un instant prochain ; et de même, à la condition que je me déplace, je suis en puissance d’une position dont la détermination géométrique coïncide avec la mesure de la position actuellement occupée par cette partie du milieu ambiant. Par là je puis, en un prochain instant, me conformer à cette mesure, et la détermination de ma propre position, détermination qui est mon lieu, peut être donnée par cette même mesure. Alors, quelque chose qui fait actuellement partie du lieu de l’air servira à mesurer ma propre configuration et à fixer ma position relativement à l’ensemble de l’air. — Οὐδὲ γὰρ ἐπὶ ἡμῶν ἐν ταῖς μεσταστάσεσιν οἱ τόποι σῴζονται, ὅνταν ἔνθεν ἐϰεῖσε μεταϐαίνω, ἀλλ’ ἡ ὁλότης ἐστὶν ἡ σῳζομένη τοῦ περιέχοντος ϰαὶ ὁ ἐϰείνης τόπος δυνάμενος ϰαὶ αὖθις ϰατά τι μέρος συμμέτρως ἔχειν πρὸς τὸ ἐμὸν διάστημα · ὥσπερ ϰαὶ ἐγὼ ϰαίτοι μεταστὰς ὅμως δυνάμει ἔχω τὴν πρὸς τὸ μέρος ἐϰεῖνο τῆς ὁλότητος ϰαὶ τὸν ἀφροσισμὸν τῆς θέσεως αὐτοῦ συμμετρίαν. Διὸ ϰαὶ αὖθις αὐτῷ δύναμαι συναρμόζεσθαι, ϰαὶ τὸν ἀφορισμὸν τῆς ἐμῆς θέσεως, τουτέστι τὸν τόπον, ἴσχειν ϰατ’ ἐϰεῖνον, ὅταν ὁ τοῦ ἀέρος τόπος ϰατὰ τι ἑαυτοῦ τὴν ἐμὴν διάστασιν μετρήσῃ ϰαὶ συντάξῃ με τῇ τοῦ ἀέρος ὁλότητι. »

Selon les doctrines autres que celles de Damascius, le mouvement nécessitait l’existence d’un terme fixe ; pour que les corps célestes pussent se mouvoir, par exemple, il fallait, de toute nécessité, qu’il existât ou bien un corps immobile, ou bien un espace immobile ; rien de semblable dans la théorie dont Simplicius s’est fait le défenseur. « Bien que l’on n’identifie[2] le lieu ni à un corps fixe, ni à un espace immobile, rien n’empêche les corps célestes de se mouvoir. — Ὥστε ϰἄν μηδὲν ἀϰινητον προϋποτεθῇ

  1. Simplicius, loc. cit. ; éd. cit., p. 632.
  2. Simplicius, loc. cit. ; éd. cit., p. 633.